OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les sondages écrivent notre futur politique http://owni.fr/2011/10/24/les-sondages-ecrivent-notre-futur-politique-presidentielle-ps/ http://owni.fr/2011/10/24/les-sondages-ecrivent-notre-futur-politique-presidentielle-ps/#comments Mon, 24 Oct 2011 09:49:21 +0000 Jean-Paul Jouary http://owni.fr/?p=84264

La question n’est pas, comme pour Hamlet, d’être ou de ne pas être, mais d’en être ou de ne pas en être.
- Marcel Proust

Revenons sur l’idée à laquelle nous étions parvenus dans la chronique précédente : alors que la parole vivante peut engendrer des créations historiques comme certains peuples l’ont prouvé au cours de cette année, les sondages sur les intentions de vote induisent des comportements d’adaptation à un avenir déjà écrit et enferment dans les logiques présentes. Ils ne sont cependant pas vécus comme tels.

Que le citoyen soit hésitant ou bien déjà décidé, il recevra les sondages comme un futur déjà écrit et ne pourra alors que s’interroger sur ce qu’il peut faire pour garantir ou empêcher ce futur. Dès lors, ce n’est plus son opinion ou ses engagements qui seront son critère de choix, mais une certaine idée de l’efficacité qui risque fort de l’inviter dans certains cas à rechercher à peser contre ce qu’il ressent comme la pire des perspectives, et dans d’autres cas à se réjouir de la configuration finale mais à rechercher le signe qu’il pourrait envoyer au premier tour à l’adresse du futur vainqueur. Un certain 21 avril encore tout proche, la certitude répétée que la gauche serait opposée à la droite au second tour, alimentée pendant deux ans par les sondages, éleva la présence de Lionel Jospin à ce second tour au rang de certitude absolue. Un futur nécessaire. Dès lors chacun se sentit en droit, au premier tour, de lui envoyer un message d’exigence de gauche et de mécontentements divers. Dès lors, ce présent engendra un futur modifié, et le cauchemar de Le Pen au second tour.

Jamais sondages d’opinion ne manifestèrent avant autant d’évidences leur capacité non à prévoir l’avenir, mais à le modifier à la façon des prévisions de trafic automobile de « bison futé », que nous évoquions dans notre précédente chronique. Et cette leçon a inspiré les sondages de la campagne présidentielle de 2012. Passons sur tous ceux qui prévoyaient une victoire de DSK, finalement écarté de l’élection dans les conditions que l’on sait. Ils rappelèrent les centaines d’enquêtes qui mesurèrent en 1995 le rapport Balladur / Delors au second tour d’une présidentielle où aucun des deux ne figura.

Cette fois, tout commence vraiment au mois de mars 2011 : deux sondages aux méthodes farfelues placent Marine Le Pen en tête des intentions de vote. Effroi : à droite comme à gauche, l’idée d’un nouveau 21 avril commence à dissuader de voter pour un candidat autre que le Président sortant ou le candidat socialiste. Du coup, les enquêtes suivantes consacrent cette bi-polarisation et découragent bien des autres candidats de se présenter.

On sait désormais qu’entre les intentions de vote et ce que sera réellement le vote, deux candidats seulement bénéficieront d’un réflexe de vote efficace au détriment de tous les autres. Et tant pis pour les convictions profondes des citoyens. Même pour se déterminer lors des « primaires » socialistes, chacun se demande avant tout qui serait le mieux placé pour figurer et l’emporter au second tour. Cela ne suffit pas : malgré l’absence d’échantillon crédible, malgré l’inconnue de la participation à ce scrutin sans précédent, les sondages d’intention de vote vont dès ce niveau pré-figurer qui peut accéder au second tour de la primaire elle-même, et induire la recherche du vote efficace.

Allons plus loin : puisque les sondages d’intention de vote contribuent en fait à les façonner, les divers scrutins finissent soit par leur donner raison, soit par leur donner tort parce que tel était le but recherché. Comme « bison futé » paraît avoir tort lorsque, à l’heure annoncée comme devant être celle des embouteillages, la circulation est finalement fluide : la prévision est démentie parce qu’elle a modifié les comportements des automobilistes dans le sens voulu.

Malgré l’absence d’échantillon crédible, malgré l’inconnue de la participation à ce scrutin sans précédent, les sondages d’intention de vote vont dès ce niveau pré-figurer qui peut accéder au second tour de la primaire elle-même, et induire la recherche du vote efficace.

Je ne choisis plus le moment de mon départ en vacances selon mon désir, mais selon ce que l’on m’annonce comme futur découlant des choix qui découlent de mon désir. En matière d’élection, je ne choisis plus mon vote selon mes idées, mais selon ce que l’on m’annonce comme futur découlant des choix dictés par mes convictions. Je dois abandonner mon être au profit d’une foule extérieure à moi dont je dois ou ne dois par faire partie. Comme l’écrivait déjà Marcel Proust dans Sodome et Gomorrhe à propos de la politique en France, « La question n’est pas, comme pour Hamlet, d’être ou de ne pas être, mais d’en être ou de ne pas en être ».

Mais cette question en amène aussitôt une autre : comment les citoyens ont-ils pu être conduits à concevoir la politique, non plus comme une libre participation à un avenir commun, mais comme le transfert de leur souveraineté à une ou plusieurs personnes providentielles ? Si la démocratie suppose bien sûr le suffrage universel, le suffrage universel suffit-il à assurer la démocratie ? Cette interrogation a vingt six siècles, parce qu’elle est aussi ancienne que l’idée même de démocratie. Il faudra donc y revenir dans la prochaine chronique.

NB : A lire, si ce n’est fait, Le pari mélancolique, du regretté philosophe Daniel Bensaïd, publié aux éditions Fayard, pour sa façon d’articuler l’espace et le temps du politique, à l’aide de Pascal, Marx et Mallarmé. Une œuvre qui invite à s’expliquer avec la politique, en tant qu’ « elle a toujours affaire à l’obscurité et au péril des lendemains ».


Photo via Flickr par Paternité Sarai | Fotography et illustration de Marion Boucharlat pour Owni /-)

Essayiste, Jean-Paul Jouary chronique avec philosophie une présidentielle pleine de philosophie. Retrouvez ses billets sur OWNI.fr.

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Raw Data_proust now ! http://owni.fr/2010/04/01/raw-data_proust-now/ http://owni.fr/2010/04/01/raw-data_proust-now/#comments Thu, 01 Apr 2010 15:00:58 +0000 Léo Gourven http://owni.fr/?p=11356 Léo Gourven a un projet fou: analyser À la recherche du temps perdu à l’aide des outils de visualisation de données. Il nous tient informé des dernières évolutions, notamment en ce qui concerne la transformation du texte en base de données.

Les semaines passées, je me suis cassé la tête pour essayer de trouver un outil qui me permette de passer du texte brut à une sorte de base de données. Je viens enfin de trouver chaussure à mon pied !

Explications :

Pour pouvoir faire des statistiques, il faut des variables. Elles décrivent des caractéristiques : des lieux, des personnages, un numéro de Tome ou tout ce que l’on souhaite. Dans mon cas, je dois déterminer et extraire des caractéristiques intéressantes du texte.

datas

Exemple simplifié sur le cas d’un découpage par phrase

Ce genre de chose, ça s’appelle le traitement automatique des langues (TAL). En gros ça veut dire, que des chercheurs développent des algorithmes pour extraire automatiquement des données d’un corpus. Parfait. Manque de chance, ces gens qui ont oublié d’être cons, ont aussi oublié ce qu’était une interface graphique. Ce qui me compliquait légèrement la tache (faut de la force pour se plonger là dedans). MAIS, j’ai fini par trouver la petite perle.

marcelcon

Pendant ce temps, Marcel joue au con lui.

GATE est un logiciel open source qui regroupe les codes des chercheurs cités plus haut, mais avec une interface graphique (y’a même des screencasts, que demande le peuple). C’est un peu complexe, mais accessible. J’ai donc rentré mon petit texte et exécuté mes traitements.

MAIS QUE FUT DONC MA SURPRISE, en découvrant le nombre de données que m’a sorti Gate en permettant de séparer : Les mots, les phrases, les paragraphes, les lieux, les métiers, les personnages, les sommes d’argents et d’autres choses encore.

Je ne pensais pas que l’on pouvait aller aussi loin dans l’analyse et mon projet gagne encore en grandeur (comprenez en travail !). Je vais donc continuer à tripatouiller Gate et essayer d’avoir un beau XML qui décrive des caractéristiques intéressantes à analyser.

Prochaines étapes :

> Diffuser les XML  !
> Je rencontre deux amis graphistes pour discuter ergonomie ce week end.
> Ouvrir un serveur de développement et un Github.
> Et par là, proposer aux personnes que ça motive de m’aider dans le développement !

> Article initialement publié sur Data Proust

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Hello Marcel ! http://owni.fr/2010/03/18/hello-marcel/ http://owni.fr/2010/03/18/hello-marcel/#comments Thu, 18 Mar 2010 16:54:19 +0000 Léo Gourven http://owni.fr/?p=10369 marcel

Des statistiques hum hum, intéressant.

Analyser À la recherche du temps perdu à l’aide des outils de visualisation de données : voilà le projet original entamé par Léo Gourven, étudiant à Hetic. Il explique sa démarche, que vous pourrez suivre sur son blog Data_Proust et fait appel aux bonnes volontés pour l’aider.

Je travaille depuis un petit mois sur un drôle de projet. Je me remettais doucement de la lecture de A La Recherche Du Temps Perdu de Marcel Proust et parallèlement, je travaillais dans le cadre de mes études autour d’un projet lié aux visualisations graphiques. Alors je me suis dit (innocemment)  : pourquoi le petit Marcel n’aurait pas droit à sa data visualization ?

Et au fur et à mesure je me suis rendu compte que l’œuvre de Proust justifiait tout particulièrement cette approche scientifique barbare :

  • Le roman est immense ! 1,5 millions de mots !
  • C’est un roman fleuve, il va de l’enfance à la mort.
  • L’écriture de Marcel Proust est quasi scientifique. Il suit une sorte de recette, on avance par étape.
  • Tout le monde connait Proust ! (et personne ne l’a lu). Et tout le monde se demande depuis ses 4 ans si ses phrases sont si longues que ce l’on raconte ?
  • Libre de droit et numérisé.

J’ai (re)découvert que dans les années 80 (quand je n’étais même pas né quoi), un certain Brunet Étienne avait déjà travaillé sur le sujet, mais en se concentrant sur l’aspect statistique (les occurrences les plus répétées, nombre de mots, de phrases etc). Ce n’est pas énorme (ça l’était pour l’époque), mais c’est déjà extrêmement intéressant.

Dans mon cas,  une des premières choses à faire, c’est transformer l’information en donnée  structurée (J’avais l’habitude de faire le contraire mais bon). C’est-à-dire mettre la Recherche dans une base de données, séparer chaque phrase, l’identifier et – dans un second temps- l’enrichir (De quel tome vient-elle ? Où se déroule l’action de cette phrase ? Quel temps est utilisé ?).

À partir de là, je pourrai opérer quelques traitements statistiques, a priori je débuterai par une étude du nombre de mots par phrase. Mais l’intérêt de cet outil prendra tout son sens une fois que l’on pourra superposer le nombre de mots par phrase avec les lieux, les éléments clés de l’action, etc. (Ce qui permettra de répondre à des questions du type : de quelle manière évolue la longueur des phrases en fonction face à la mort de sa grand mère ?)

Mais pour cela il faut que je trouve un outil d’analyse linguistique qui puisse me séparer mes phrases (Pas si simple qu’il n’y parait). Si quelqu’un maitrisant ce domaine arrive sur ce blog, j’ai besoin d’aide ! Envoyez moi un mail !

En bref, je vous raconterai sur ce blog comment mon projet avance, je causerai technique, je diffuserai mon code, je vous appellerai à l’aide mais je ne vous dirai pas que je suis fatigué !

Billet initialement publié sur Data_Proust

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