OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Vers la transparence des organismes de santé grâce au web? http://owni.fr/2011/05/12/vers-la-transparence-des-organismes-de-sante-grace-au-web/ http://owni.fr/2011/05/12/vers-la-transparence-des-organismes-de-sante-grace-au-web/#comments Thu, 12 May 2011 07:24:00 +0000 Dominique Dupagne http://owni.fr/?p=34815 J’ai reçu le 22 avril un courrier de l’AFFSAPS m’informant d’un effet cancérigène possible de la pioglitazone (Actos®, Competact®) sur la vessie. L’information sur le fond se résumait à ce seul paragraphe :

Des signalements récents ont conduit à envisager un lien entre une exposition prolongée à la pioglitazone et une augmentation du risque de cancer de la vessie, ce qui pourrait remettre en question le rapport bénéfice/risque de la pioglitazone en traitement chronique chez les patients diabétiques.

Des signalements et un doute

Ce qui était présenté comme un simple doute était assorti de la promesse d’une grande étude en cours, réalisée à partir des données de l’Assurance-Maladie et publiée dès l’été 2011. Suivaient des conseils pratiques pour les prescripteurs et leurs patients qui peuvent continuer à utiliser ce médicament jusqu’à nouvel ordre.

Mais quelles étaient donc les données brutes, les faits qui ont généré cette inquiétude ? J’ai posé la question à l’AFSSAPS. Je n’ai eu aucune réponse malgré mon insistance. Je fais pourtant partie du groupe “Généralistes référents” de l’Agence et j’ai adressé mes demandes par email à mes interlocuteurs habituels.

C’est alors que j’ai découvert que la séance de la Commission d’autorisation de mise sur le marché (AMM) avait été filmée, et que la vidéo était en ligne sur le site de l’AFSSAPS. Voici un pas vers la transparence, tel que demandée depuis plusieurs années par Prescrire, le Formindep et les autres défenseurs d’informations sanitaires moins dépendantes des lobbies.

J’ai donc regardé ces deux vidéos de 40 mn chacune. La première concerne un exposé des données scientifiques, essentiellement par des représentants de la Commission de Pharmacovigilance qui avaient émis une recommandation de suspension. La deuxième montre les débats qui ont précédé le vote et la décision finale de la Commission d’AMM. Actuellement, la Commission de Pharmacovigilance est sous la tutelle de la Commission d’AMM qui est libre ou non de suivre ses recommandations.

La première réflexion qui vient à l’esprit concerne la richesse ce ce matériel. Que n’a-t-on pris plus tôt la décision de filmer des débats de cette commission, comme c’est le cas depuis longtemps aux USA !

Certes, la transparence est partielle car nous ne voyons pas les diapositives projetées ni les données qu’elles contiennent, mais les commentaires des orateurs sont riches d’enseignements et surtout, la vidéo traduit beaucoup mieux l’ambiance tendue de la réunion que le compte-rendu écrit avec son verbatim, également disponible.

Il n’existe pas réellement de doute sur l’effet cancérigène de la pioglitazone

Je découvre avec stupeur dans la première vidéo qu’il n’existe aucun doute sur l’augmentation du risque de cancer de la vessie liée à la pioglitazone. Toutes les données convergent : cancers chez le rat, effet cancérigène connu des parents chimiques de la pioglitazone, augmentation du risque de cancer de la vessie constaté dans au moins deux études. L’augmentation du risque est proportionnelle à la durée du traitement et à la dose consommée cumulée. La messe est dite, et nous sommes loin de simples signalements de cas (qui existent aussi, bien sûr). Cette augmentation du risque est de l’ordre de 50%, 270% dans l’hypothèse la plus défavorable issue de ces données. La convergence de ces éléments élimine la possibilité de cas liés au seul hasard.

La lettre que l’AFSSAPS a adressée aux prescripteurs édulcore donc la réalité scientifique du risque en laissant croire que l’affaire se résume à des observations isolées nécessitant une confirmation. J’ai d’ailleurs été abusé par cette formulation dansun premier billet écrit sur ce sujet.

En pratique, sachant que la fréquence habituelle du cancer de la vessie est de l’ordre de 1% sur une vie entière, la prise du médicament pourrait faire monter ce risque à 3%, et plus probablement autour de 1,5% soit 50% d’augmentation du risque.

Ce risque cancérigène étant connu se pose la question de l’intérêt du produit et du risque à en suspendre la commercialisation. La pioglitazone n’est pas le premier médicament à être associé à un risque cancérigène. Celui-ci étant connu, il doit être mis en balance avec le bénéfice du traitement, comme c’est le cas pour le traitement hormonal de la ménopause par exemple.

Un intérêt à démontrer

La question est clairement posée pendant le débat. La réponse est également très claire : l’intérêt de la pioglitazone dans le traitement du diabète reste à démontrer.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

C’est ce qui fait dire à un membre de la commission que la pioglitazone est un hypoglycémiant et non un antidiabétique : elle soigne la glycémie mais ne combat pas les conséquences de la maladie, jusqu’à preuve du contraire. Or l’objectif fondamental d’un antidiabétique n’est pas de faire baisser le taux de sucre dans le sang, mais d’éviter les complications cardiaques, neurologiques, rénales ou oculaires de l’hyperglycémie.

Ces deux aspects : risque cancérigène quasi avéré et intérêt thérapeutique nul ou incertain de la pioglitazone, ont conduit la Commission de Pharmacovigilance de l’AFSSAPS, réunie quelques semaines auparavant, à recommander la suspension de sa commercialisatio. C’est le message délivré par son représentant lors de la réunion de la commission d’AMM du 7 avril, en conclusion d’un exposé détaillé des données disponibles.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le débat qui va suivre cet exposé est très instructif (deuxième vidéo sur le site de l’AFSSAPS, il n’est pas possible de faire des liens directs vers les vidéos).

On prend les mêmes et on recommence

Première surprise, les acteurs principaux de ce débat sont également ceux qui étaient impliqués dans les décisions concernant le Mediator, qui ont de nombreux liens avec l’industrie pharmaceutique, et dont certains ont parlé d’Irène Frachon en terme peu flatteurs dans des échanges d’emails. Je ne développerai pas ce point, à rapprocher de l’actualité récente.

De curieux arguments

Deuxième surprise, les arguments qui viennent appuyer la non-suspension de la pioglitazone, contre l’avis de la Commission de Pharmacovigilance, sont assez étonnants :

  • Certains diabétologues ne prescrivent pas ce produit jugé sans intérêt, mais d’autres le considèrent comme indispensable chez certains patients.
  • Suspendre le produit avant le résultat attendu “de la plus grande étude mondiale” sur le sujet, française de surcroît, ne serait pas positif pour l’image des autorités de santé françaises.
  • Si l’on en croit les études disponibles, les cas de cancers induits par la pioglitazone sont peu nombreux sur une période courte (moins de 10 cancers supplémentaires pour 100 000 patients traités par pioglitazone d’après l’expert) donc rien ne presse.

Voici un exemple significatif de communication favorable au maintien de la pioglitazone :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les autres médicaments sont pires

L’argument le plus étonnant développé par les experts favorables au maintien de la pioglitazone est sans doute celui-ci :

Si l’on suspend la pioglitazone, elle risque d’être remplacée par d’autres médicaments susceptibles d’être plus dangereux pour les patients.

Voici un extrait du compte-rendu écrit de la séance. L’expert confirme que les éléments disponibles orientent vers une suspension de l’AMM du produit, mais pense qu’il est urgent d’attendre…

“Il faut distinguer deux aspects dans le débat. Premièrement, disposons-nous d’informations importantes qui orientent notre décision vers une suspension de la pioglitazone ? Il me semble que la réponse à cette question est affirmative. Le deuxième aspect est celui de l’immédiateté de la suspension. Le groupe de travail Diabète a été sollicité pour débattre de l’effet d’une suspension immédiate. Il nous a semblé que prendre une décision sans attendre la conclusion d’une étude que nous avons demandée compromettrait la crédibilité de la France vis-à-vis de l’Europe.

D’autre part, si l’on écarte l’avis de ceux qui ne prescrivent jamais de pioglitazone et l’avis de ceux pour lesquels la pioglitazone est irremplaçable, on peut considérer que le retrait de la pioglitazone provoquerait un report de prescription. La plupart des patients auxquels est prescrite la pioglitazone reçoivent déjà de la metformine ou ne la tolèrent pas.
Le report ne peut donc s’effectuer sur la metformine. Il portera sur les sulfonylurées, qui ont causé la mort de plus de patients que d’autres produits, sur les inhibiteurs de l’alpha-glucosidase, dont on sait que l’efficacité est moins grande que les problèmes digestifs qu’ils engendrent, et qui sont considérés comme des médicaments à la marge, et sur les agonistes du GLP1 et les inhibiteurs de la DPP4, médicaments actuellement sous surveillance.
Si nous suspendons immédiatement la pioglitazone, avant même toute décision européenne, nous orienterons les prescriptions sur les agonistes du GLP1 et les inhibiteurs du DPP4, dont on pourrait apprendre, au cours des prochains mois, qu’ils génèrent des pancréatites, des tumeurs du pancréas et des tumeurs de la thyroïde. Notre décision pourrait donc nous être reprochée. Pour ces raisons, notre groupe de travail a estimé inutile de prendre une décision avant que n’intervienne la décision européenne et la publication de l’étude de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM).”

Il se trouve tout de même (heureusement ?) un autre expert pour répondre :

Je n’entends ici que des commentaires qui tiennent compte du contexte extérieur, notamment de l’Europe, alors que nous sommes chargés de ne considérer que les faits. Or il y a une accumulation de preuves des risques induits par la pioglitazone. M. Marzin, et c’est là le plus important, a souligné que la pioglitazone est un promoteur et que trois mois d’exposition suffisent à l’apparition d’une tumeur. Si ceci est exact, il n’est pas acceptable de laisser des patients être exposés plus longtemps à la pioglitazone. Les preuves des risques, qui ne me semblent pas être compensées par des arguments en faveur du bénéfice de la pioglitazone, sont suffisantes pour que nous prenions une décision aujourd’hui.

Il ne sera pas écouté lors du vote final, majoritairement favorable à la poursuite de la commercialisation de la pioglitazone.

Je n’insiste pas plus sur le fond et je ne commenterai pas le débat. À partir des vidéos complètes ou du compte-rendu, n’importe quel étudiant en médecine de 5ème année ou patient disposant d’un bagage scientifique est à même de comprendre le problème et de se faire une idée correcte de la situation. Il manque juste une copie des diapositives projetées pendant la réunion. Je me permets tout de même d’ajouter que l’étude de la CNAM ne règlera en rien le problème : soit elle confirme le risque, et on aura perdu trois mois. Soit elle n’est pas en faveur du risque, mais ses limites (étude retrospective non randomisée) ne permettront pas d’affirmer l’absence de risque face aux données convergentes actuelles.

L’AFSSAPS doit faire sa révolution 2.0

Je voudrais maintenant prendre ma casquette “Médecine 2.0”, et faire quelques remarques générales qui commencent par des questions.

À quel moment a-t-on pris l’avis des principaux intéressés, les patients ? Sont-il d’accord pour continuer à prendre un médicament qui augmente leur risque de cancer ? Est-il acceptable de ne pas les informer de ce risque ?

À quel moment a-t-on pris l’avis des prescripteurs les plus nombreux, les généralistes ? Pourquoi parle-t-on uniquement pendant la réunion d’un groupe de diabétologues, surtout si c’est pour n’apporter que du vécu subjectif ?

Pourquoi se sent-on toujours obligé en France de prendre des décisions pour les autres : faites-ci, faites-cela, ne faites pas ceci… Pourquoi présume-t-on toujours que le patient et le prescripteur forment un couple d’irresponsables à qui il faut absolument dicter une conduite par des recommandations, des protocoles, des décisions binaires (retrait/maintien).

Nous sommes désormais dans un monde connecté, où chacun s’il le désire, peut accéder à des informations illimitées, pourvu qu’elles soient mises en ligne. Ce qui compte, c’est que l’information soit disponible.

Comme cela a été relevé pendant la séance par plusieurs intervenants, chaque médecin mais surtout chaque patient est unique. Comment peut-on imaginer qu’une décision binaire soit la bonne pour chaque patient ? C’est tout simplement impossible.

Cette nouvelle gestion de crise est très instructive. La Commission d’AMM de l’AFSSAPS n’a pas pris la mesure de la mutation en cours de la société de l’information. Son devoir fondamental n’est plus la production de décisions, comme le dit à tort son président, mais l’analyse de l’information, sa synthèse et sa mise à la disposition de tous. La décision elle-même n’est que l’aboutissement de ce processus et n’est pas toujours indispensable.

Au XXème siècle, il n’était pas question techniquement de permettre à chacun d’accéder aux dossiers sanitaires. Le fonctionnement de l’AFSSAPS était donc hérité d’une longue tradition jacobine : le citoyen délègue la recherche d’information à une élite, à un groupe d’experts qui vont décider ce qui est bien ou mal.

Faute de pouvoir diffuser simplement et économiquement une information exhaustive, seule la décision est portée à la connaissance du public. C’est ce que l’on constate avec la lettre adressée par l’agence à tous les prescripteurs.

À l’heure d’un internet banalisé et accessible quasiment à tous, ce fonctionnement obsolète n’est plus acceptable. La diffusion de l’information ne coûte quasiment plus rien. L’empowerment progressif du patient (mais aussi du prescripteur) ne permet plus de les tenir à l’écart des informations sources. Chacun est en droit de vouloir se forger sa propre opinion, sans être dépendant de l’accès aux données par un guichet qui les interprète et les libère au compte-goutte. Cette élaboration d’opinion peut être confiée à des tiers, mais des tiers librement choisis : les apomédiaires.

Informer le public

Nous ne sommes pas demandeurs de décisions qui nient notre intelligence, mais d’informations précises qui nous permettent de diriger notre vie et notre santé comme nous l’entendons. Les seules limites acceptables à cette liberté sont sociétales et économiques : nous ne devons pas mettre en danger la santé de nos concitoyens par nos comportements ni prétendre grever excessivement les budgets sociaux à notre bénéfice exclusif.

Les journalistes, dont c’est le métier, et les réseaux d’informations qui émergent sur internet, permettent de diffuser largement les synthèses, analyses et mises en perspectives de l’information sanitaire. Ce phénomène touche aussi bien les prescripteurs que les patients.

Le rôle d’une agence comme l’AFSSAPS est de protéger et d’éclairer le public et émettant des synthèses et des opinions,toujours associées à l’information brute. La prise de décisions arbitraires devrait à terme constituer l’exception. Dans un avenir lointain, je ne serais pas surpris que la notion même d’AMM disparaisse au profit d’une simple information du public sur les risques et inconvénients liés à chaque produit.

Dans cet esprit, voici ce qu’aurait pu être la communication d’une Commission d’AMM 2.0 qui aurait d’ailleurs vocation à porter un autre nom (c’est l’esprit qui compte, n’ayant pu obtenir le dossier scientifique, j’ai pu commettre des erreurs sur le fond).

La commission d’AMM s’est penchée le 7 avril sur la pioglitazone, médicament destiné au traitement du diabète non insulino dépendant. Il s’agissait d’évaluer le risque de cancer de la vessie qui serait augmenté par la prise de ce médicament.

Les 10 membres de cette commission ont auditionné le 4 mars les experts du dossier et le laboratoire Takeda qui commercialise la pioglitazone. L’ensemble des auditions et des documents cités ou présentés a été mis en ligne sur le site de l’agence (texte et vidéo).

La Commission d’AMM s’est de nouveau réunie le 7 avril pour auditionner des représentants de patients, de prescripteurs, et différentes personnes qualifiées susceptibles d’éclairer la réflexion des commissaires. Ceux-ci ont ensuite poursuivi leur discussion seuls. L’enregistrement de ces auditions et de la discussion finale sont disponibles sur le site de l’agence.

À la lumière des éléments disponibles portés à leur connaissance, les commissaires ont réalisé la synthèse suivante :

Des éléments convergents rendent hautement probable une augmentation du risque de cancer de la vessie chez les patients traités par pioglitazone. Une étude en cours réalisée à partir des données de l’assurance maladie permettra d’en savoir plus cet été, mais le dossier actuel est suffisant pour considérer prendre ce risque au sérieux.

La quantification du risque est difficile. Les données suggèrent une augmentation du risque comprise entre 50 et 300%, c’est à dire que le risque de cancer de la vessie, de l’ordre de 1% dans la population générale, augmenterait à 1,5%, voire 3% en cas de traitement par pioglitazone. Ces chiffres sont des projections statistiques et ne correspondent pas à un décompte de cas réels.

Comme toujours dans cette situation, la révélation de ce risque doit être mise en balance avec le bénéfice que la pioglitazone apporte aux diabétiques. Les études scientifiques disponibles ne sont pas en faveur d’une action significative de la pioglitazone sur les risques de complications liées à l’augmentation de la glycémie. La Commission de Transparence de la Haute Autorité de Santé a réévalué la pioglitazone et considéré que ce produit n’apportait pas de service médical supplémentaire par rapport aux autres médicaments du diabète.

Dans ces conditions, l’usage de la pioglitazone chez le diabétique ne paraît pouvoir se justifier que dans les situations exceptionnelles d’impasse thérapeutique, après avoir informé le patient du risque encouru. La Commission d’AMM recommande au directeur de l’AFSSAPS de prendre les décisions suivantes
Sur chaque ordonnance initiale prescrivant de la pioglitazone, le prescripteur devra indiquer “avertissement remis ”, matérialisant la remise à son patient d’une copie de ce communiqué.
Sur chaque boîte de produit, dans un délai de 4 mois, la notice devra contenir un encadré ou un texte “Informations importantes sur le risque de cancer de la vessie”. Ce texte indiquera : “Des éléments concordants laissent penser que ce médicament augmente le risque de cancer de la vessie. Parlez-en avec votre médecin ou lisez la synthèse disponible à cette adresse (lien internet et Flashcode ).

Il me semble que ce type d’action ou de communication va plus dans le sens de la démocratie sanitaire, de l’empowerment du patient et du prescripteur ainsi que d’une circulation fluide de l’information.


Article initialement publié sur Atoute.

Photo Flickr CC BY-NC par \!/_PeacePlusOne, CC BY-NC-ND par Ludovic Coquin, CC BY-NC par Gatis Gribusts et CC BY-NC-SA par Povilas.Baranovas.

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[App] L’affaire du Mediator racontée à ceux qui ont loupé le début http://owni.fr/2011/03/09/affaire-du-mediator-racontee-a-ceux-qui-ont-loupe-le-debut/ http://owni.fr/2011/03/09/affaire-du-mediator-racontee-a-ceux-qui-ont-loupe-le-debut/#comments Wed, 09 Mar 2011 14:00:32 +0000 Sophie Verney-Caillat http://owni.fr/?p=50491 Stupéfaits. Même ceux qui sont au plus près du dossier n’en reviennent toujours pas de ce qu’ils ont découvert dans le rapport d’enquête de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) rendu le 15 janvier. Sans mâcher ses mots, il dépeint la faillite d’un système. Celui qui consiste normalement à autoriser et rembourser des médicaments utiles et pas dangereux, à surveiller ses effets secondaires et à les retirer si besoin.

Le fait que le Mediator soit resté sur le marché pendant 35 ans alors qu’il n’aurait jamais du être autorisé et qu’il ait fait des centaines, voire des milliers de victimes, n’est pas un scandale isolé. D’abord parce qu’il n’est pas le premier du genre. Ensuite parce que les enseignements du passé n’ont pas été tirés. Servier a réussi à « anesthésier » les acteurs de la chaîne du médicament, écrit l’IGAS, ce qui fait que « le doute profite à la firme, pas au malade ».

« Une bureaucratie sanitaire »

Premier sur le banc des accusés, le laboratoire qui devra répondre devant la justice de « tromperie aggravée » et « mise en danger de la vie d’autrui ». Mais derrière, ce sont tous les experts employés tantôt par l’administration tantôt par les labos qui sont en cause.

L’Afssaps est apparue comme une bureaucratie sanitaire, où personne n’a pu avoir un raisonnement pharmacologique clairvoyant. Une structure lourde, lente, peu réactive, figée”, écrit encore l’IGAS.

Aujourd’hui, les uns et les autres, vont déplorer ce qui aurait du être fait, comme le professeur Jean-Michel Alexandre, ancien directeur de l’évaluation de l’Afssaps, qui déclare devant la mission d’information de l’Assemblée nationale que pour le Mediator, « l’efficacité n’a jamais été suffisamment prouvée » et estime que les mises sur le marché datant d’avant les commissions d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en 1978 manquent de crédibilité ».

Peut-être, mais une fois sur le marché, il aura fallu attendre des décennies pour que les preuves, certaines, de la dangerosité du Mediator soient établies et qu’enfin le médicament soit interdit.

Entre temps, cinq millions de personnes en ont consommé. L’administration ne s’est donné aucun moyen de suivre les effets secondaires relatés, et la peur d’éventuels contentieux a conduit chaque responsable du système à préférer laisser le médicament sur le marché.

Comment cela a-t-il été possible ? Notre application revient sur toutes les étapes et vous aide à imaginer ce qui doit être réformé.

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Le droit à l’information mis à mal par le secret des affaires http://owni.fr/2011/01/24/le-droit-a-l-information-mis-a-mal-par-le-secret-des-affaires/ http://owni.fr/2011/01/24/le-droit-a-l-information-mis-a-mal-par-le-secret-des-affaires/#comments Mon, 24 Jan 2011 13:10:25 +0000 François Krug http://owni.fr/?p=43635 Titre original : Secret des affaires : le droit à l’information menacé ?

Les soupçons d’espionnage chez Renault et l’impact des révélations de WikiLeaks relancent le débat sur le secret des affaires. Le gouvernement prépare une loi, et un député UMP vient de déposer son propre texte. Il propose de renforcer les sanctions, mais aussi de laisser aux entreprises le soin de décider quelles informations devraient être protégées. Au risque de limiter au strict minimum la transparence sur leurs activités…

Bernard Carayon, député UMP du Tarn, a déjà consacré plusieurs rapports à la question, déposé une proposition de loi en 2009 et tenté d’introduire un amendement sur l’intelligence économique dans le projet de loi Loppsi sur la sécurité. Il est soutenu par quelques-unes des plus grandes entreprises françaises : il préside la Fondation Prometheus, un « think tank » financé notamment par Alstom, EADS, Dassault, Thales ou le groupe pharmaceutique Sanofi-Aventis.

Un « confidentiel Défense » pour les entreprises

Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? La semaine dernière, Bernard Carayon a déposé une nouvelle proposition de loi sur « la protection des informations économiques ». Selon lui, les peines déjà prévues pour l’abus de confiance, la violation du secret professionnel ou l’intrusion dans un système informatique ne suffisent plus.

Son texte prévoit donc de punir « l’atteinte au secret d’une information à caractère économique protégée » : trois ans de prison et 375 000 euros d’amende, le double si le responsable de la fuite a agi « dans l’intention de nuire » à l’entreprise ou s’il en a tiré « un profit personnel ».

Le gouvernement prépare lui aussi un projet de loi sur la question, confié à la Délégation interministérielle à l’intelligence économique. Parmi les mesures envisagées, la création d’un label « confidentiel entreprise », sur le modèle du « confidentiel Défense » protégeant les secrets d’État.

Première difficulté : au-delà des brevets industriels, quelles informations mériteront une telle confidentialité ? La proposition de loi de Bernard Carayon en propose une définition très souple :

Sont qualifiées d’informations à caractère économique protégées, les informations ne constituant pas des connaissances générales librement accessibles par le public, ayant, directement ou indirectement, une valeur économique pour l’entreprise, et pour la protection desquelles leur détenteur légitime a mis en œuvre des mesures substantielles conformes aux lois et usages, en vue de les tenir secrètes.

« Je revendique un droit à l’intimité »

Cette définition pourrait donc concerner autant l’espionnage industriel que les fuites dans la presse ou sur WikiLeaks. Après les secrets du Pentagone, le site veut justement s’attaquer à ceux des entreprises : son créateur, Julian Assange, promet des révélations sur une grande banque américaine dans les semaines qui viennent.

« Je revendique aussi bien pour l’État et les entreprises le droit à l’intimité des personnes privées », m’explique Bernard Carayon. Selon lui, les « connaissances générales librement accessibles par le public » évoquées dans son texte sont déjà nombreuses, sur Google ou dans les comptes et rapports de gestion déposés par les entreprises auprès des tribunaux de commerce :

Le droit à l’information n’est pas non plus le droit à la transparence totale, aussi bien pour l’État et les entreprises que pour les particuliers. Par exemple, s’il vous apparaît légitime d’enquêter sur la santé d’un dirigeant politique ou industriel parce que cela déterminera l’avenir d’une institution ou d’une entreprise, est-ce que le droit à l’information vous autorise à publier une information selon laquelle ce dirigeant est atteint d’un cancer ? Je me pose la question, et évidemment, ce n’est pas très facile d’y répondre.

Justement, c’est la question que se posent certains investisseurs américains, après le nouvel arrêt maladie du patron d’Apple, Steve Jobs, atteint d’un cancer. L’annonce a fait dégringoler le cours de l’action Apple : Steve Jobs aurait-il dû tenir la presse et les marchés financiers au courant de l’évolution de son cancer ?

Les fuites sur le Mediator auraient-elles eu lieu ?

L’autre difficulté, c’est de savoir qui dressera la liste des informations devant être, ou non, protégées. Là encore, la proposition de loi de Bernard Carayon est très souple. Ou plutôt, pragmatique, selon lui :

Ce n’est pas à l’Etat de dire “le carnet d’adresses du directeur général ou les méthodes informatiques du directeur de la sécurité des systèmes d’information doivent être protégés”, c’est à l’entreprise de définir elle-même son référentiel de sécurité […]. Si on fait l’inverse, la réalité très vite déborderait le droit […]. Le juge sera libre de considérer ou non que l’information était inutilement dans le périmètre de sécurité.

Prenons un autre exemple, au hasard : le laboratoire Servier pourrait-il utiliser un tel dispositif juridique pour empêcher ou sanctionner les fuites sur le Mediator ? Il a d’ailleurs financé la Fondation Prometheus, mais n’en serait plus membre, selon Bernard Carayon. Pour le député, la question ne se pose pas :

Ne peut pas être considéré comme susceptible de bénéficier d’une protection par la loi le classement confidentiel d’une information entraînant la responsabilité pénale d’une entreprise : on ne peut pas se protéger par la loi d’une illégalité.

Votre entreprise a-t-elle déjà dressé une liste d’informations « sensibles », ou a-t-elle donné des consignes à ses salariés pour éviter les fuites ? Témoignez dans les commentaires.

Illustration de Une : Logui

Article de Une : Espionnage chez Renault: un cas de bleuïte ou une vraie fuite? / Pôles de compétitivités: souriez, vous êtes fliqués

>> Article initialement publié sur Eco89

>> Illustration FlickR CC : iklash/, RLHyde

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Après le Mediator, le Vioxx, le nouveau médoc qui tue ? http://owni.fr/2011/01/08/apres-le-mediator-le-vioxx-le-nouveau-medoc-qui-tue/ http://owni.fr/2011/01/08/apres-le-mediator-le-vioxx-le-nouveau-medoc-qui-tue/#comments Sat, 08 Jan 2011 09:30:28 +0000 Napakatbra (Les mots ont un sens) http://owni.fr/?p=41513

Un article repéré

par OWNIpolitics.com


Le Mediator a tué entre 500 et 2000 personnes. Scandale ! Que penser, alors, du Vioxx, ce médicament anti-douleur et anti-inflammatoire largement utilisé contre l’arthrite entre 1999 et 2004 ? Il aurait, selon la FDA (Food and Drug Administration, agence de régulation américaine des médicaments) provoqué 160 000 crises cardiaques et attaques cérébrales et 30 000 décès, rien qu’aux États-Unis. Chiffre récemment réévalué à 40 000 par une nouvelle étude. En France, c’est le flou artistique… y a-t-il eu un seul mort ? On ne le saura peut-être jamais…

L’inquiétant mutisme de l’Afssaps face à des études accablantes

En 2007, le géant pharmaceutique Merck (commercialisant le Vioxx) a négocié un règlement à l’amiable concernant 95% des 26.600 plaintes déposées contre lui, pour un montant de 5 milliards de dollars. Mais certains plaignants ont refusé l’arrangement, et les procès qui suivent leur cours dévoilent régulièrement quelques cadavres, bien planqués au fond des placards. Le bimensuel Archives of Internal Medicine a notamment révélé, l’année dernière, que Merck n’avait pas publié les résultats d’études cliniques effectuées après la mise sur le marché du médicament. Un oubli, sans doute.

Fâcheux, puisque ces études montraient dès 2001 que le Vioxx augmentait nettement le risque d’attaques cardiaques et cérébrales. Un accroissement estimé à 35% en juin 2001, à 39% en avril 2002 et à 43% en septembre 2004, au moment de son retrait du marché. Malgré ces études, le laboratoire a toujours nié tout risque sanitaire… et pendant ce temps là, il continuait d’accumuler les profits, 2 milliards de dollars tous les ans.

Dans cette affaire, les autorités sanitaires, dont l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), ont été d’une passivité exemplaire. En novembre 2000, l’étude américaine Vigor prouve que le Vioxx entraine une très nette augmentation du nombre d’infarctus du myocarde, ce qu’admet l’Afssaps dans un communiqué. Mais notre Agence nationale fait valoir qu’à l’origine :

cette étude n’avait pas « pour objectif l’étude de la tolérance cardio-vasculaire », elle ne vaudrait donc pas grand chose car « seule une étude spécifique permettrait d’évaluer le risque cardio-vasculaire éventuel » du médicament.

Et les patients sont priés de gober la pilule.

Recommandation d’urgence : attention… aux brûlures d’estomac !

En juin 2002, constatant que le Vioxx est devenu un best-seller en quelques mois (Merck a cartonné sur la pub), le coeur léger, l’Afssaps se décide tout même à recommander aux médecins d’avoir la main un peu plus légère sur les prescriptions, car la molécule engendrerait des effets secondaires notables… sur le système digestif. Quant aux risques cardio-vasculaires, il « est en cours d’évaluation ». En juillet 2004, l’Afssaps rend compte d’une réévaluation du rapport bénéfice/risque avalisée par la Commission européenne quatre mois plus tôt : RAS, tout va bien, « la sécurité d’emploi des coxibs [dont le Vioxx fait partie] n’est pas remise en cause ». Et bonjour chez vous.

C’est alors qu’en septembre 2004, l’Agence tombe des nues. Elle annonce, dans un communiqué, qu’elle « vient d’être informée [...] de la décision des laboratoires Merck Sharp & Dohme-Chibret de l’arrêt mondial de la commercialisation de leur spécialité Vioxx ». Il lui faudra 9 mois de plus pour admettre officiellement que le médicament est effectivement dangereux sur le plan cardio-vasculaire. Ce que ne contesteront certainement pas les milliers de malheureux qui ont claqué entre temps…

Ce qu’on appelle un plan (de pharmacovigilance) qui se déroule sans accro(c)… ?

Billet publié initialement sur le blog Les mots ont un sens sous le titre Vioxx : Le médoc qui a fait 40 000 morts aux Etats-Unis… et aucun en France ?

Photos FlickR CC Hector Garcia ; Adisson Berry.

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http://owni.fr/2011/01/08/apres-le-mediator-le-vioxx-le-nouveau-medoc-qui-tue/feed/ 2
Santé : le Vioxx, un serial killer plus fort que le Mediator http://owni.fr/2011/01/03/sante%c2%a0-le-vioxx-un-serial-killer-plus-fort-que-le-mediator/ http://owni.fr/2011/01/03/sante%c2%a0-le-vioxx-un-serial-killer-plus-fort-que-le-mediator/#comments Mon, 03 Jan 2011 12:25:33 +0000 Napakatbra (Les mots ont un sens) http://owni.fr/?p=37473 Le Mediator a tué entre 500 et 2000 personnes. Scandale ! Que penser, alors, du Vioxx, ce médicament anti-douleur et anti-inflammatoire largement utilisé contre l’arthrite entre 1999 et 2004. Il aurait, selon la FDA (Food and Drug Administration, agence de régulation américaine des médicaments) provoqué 160 000 crises cardiaques et attaques cérébrales et 30 000 décès, rien qu’aux Etats-Unis. Chiffre récemment réévalué à 40 000 par une nouvelle étude. En France, c’est le flou artistique… y a-t-il eu un seul mort ? On ne le saura peut-être jamais…

L’inquiétant mutisme de l’Afssaps face à des études accablantes

En 2007, le géant pharmaceutique Merck (commercialisant le Vioxx) a négocié un règlement à l’amiable concernant 95% des 26.600 plaintes déposées contre lui, pour un montant de 5 milliards de dollars. Mais certains plaignants ont refusé l’arrangement, et les procès qui suivent leur cours dévoilent régulièrement quelques cadavres, bien planqués au fond des placards. Le bimensuel Archives of Internal Medicine a notamment révélé, l’année dernière, que Merck n’avait pas publié les résultats d’études cliniques effectuées après la mise sur le marché du médicament. Un oubli, sans doute.

Fâcheux, puisque ces études montraient dès 2001 que le Vioxx augmentait nettement le risque d’attaques cardiaques et cérébrales. Un accroissement estimé à 35% en juin 2001, à 39% en avril 2002 et à 43% en septembre 2004, au moment de son retrait du marché. Malgré ces études, le laboratoire a toujours nié tout risque sanitaire… et pendant ce temps là, il continuait d’accumuler les profits, 2 milliards de dollars tous les ans.

Dans cette affaire, les autorités sanitaires, dont l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), ont été d’une passivité exemplaire. En novembre 2000, l’étude américaine Vigor prouve que le Vioxx entraine une très nette augmentation du nombre d’infarctus du myocarde, ce qu’admet l’Afssaps dans un communiqué. Mais notre Agence nationale fait valoir qu’à l’origine :

cette étude n’avait pas « pour objectif l’étude de la tolérance cardio-vasculaire », elle ne vaudrait donc pas grand chose car « seule une étude spécifique permettrait d’évaluer le risque cardio-vasculaire éventuel » du médicament.

Et les patients sont priés de gober la pilule.

Recommandation d’urgence : attention… aux brûlures d’estomac !

En juin 2002, constatant que le Vioxx est devenu un best-seller en quelques mois (Merck a cartonné sur la pub), le coeur léger, l’Afssaps se décide tout même à recommander aux médecins d’avoir la main un peu plus légère sur les prescriptions, car la molécule engendrerait des effets secondaires notables… sur le système digestif. Quant aux risques cardio-vasculaires, il « est en cours d’évaluation ». En juillet 2004, l’Afssaps rend compte d’une réévaluation du rapport bénéfice/risque avalisée par la Commission européenne quatre mois plus tôt : RAS, tout va bien, « la sécurité d’emploi des coxibs [dont le Vioxx fait partie] n’est pas remise en cause ». Et bonjour chez vous.

C’est alors qu’en septembre 2004, l’Agence tombe des nues. Elle annonce, dans un communiqué, qu’elle « vient d’être informée [...] de la décision des laboratoires Merck Sharp & Dohme-Chibret de l’arrêt mondial de la commercialisation de leur spécialité Vioxx ». Il lui faudra 9 mois de plus pour admettre officiellement que le médicament est effectivement dangereux sur le plan cardio-vasculaire. Ce que ne contesteront certainement pas les milliers de malheureux qui ont claqué entre temps…

Ce qu’on appelle un plan (de pharmacovigilance) qui se déroule sans accro(c)… ?

Billet publié initialement sur le blog Les mots ont un sens sous le titre Vioxx : Le médoc qui a fait 40 000 morts aux Etats-Unis… et aucun en France ?

Photos FlickR CC Hector Garcia ; Adisson Berry.

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