OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Grenelle 1794 – Fukushima 2011 http://owni.fr/2011/04/03/grenelle-1794-fukushima-2011/ http://owni.fr/2011/04/03/grenelle-1794-fukushima-2011/#comments Sun, 03 Apr 2011 12:00:51 +0000 Guillaume Mazeau http://owni.fr/?p=54784 Parmi les événements historiques qui peuvent aider à comprendre le désastre qui vient de frapper le Japon, le fameux tremblement de terre de Lisbonne vient spontanément à l’esprit. En novembre 1755, le séisme, suivi d’un raz-de-marée, provoqua entre 100.000 et 130.000 morts, soit la moitié de la population lisboète. Mais il est aussi connu pour avoir déclenché un vaste débat entre penseurs des Lumières sur la théodicée, le rôle de la Providence dans l’histoire et le sens de la vie humaine.

À la fin du 18e siècle, les événements naturels sont de moins en moins interprétés comme des châtiments divins, mais comme des aléas dépourvus de signification religieuse ou morale. Lorsqu’elle se déchaîne, la nature ne révèle aucun sens caché. Comme les éruptions volcaniques, les séismes ne sont plus seulement vus comme des fléaux mais aussi comme des « catastrophes naturelles », dont l’ampleur dépend de la capacité des hommes à les prévoir et à en atténuer les effets.

Ruines de Lisbonne, gravure allemande, 1755

Même si ses conséquences humaines sont terribles, probablement plus de 10.000 morts, le séisme du Japon révèle combien la vulnérabilité des populations varie selon leur degré de développement : comment oublier le tremblement de terre qui a ravagé Haïti en 2010, responsable de 200.000 morts et de millions de sans-abris, qui vivent encore aujourd’hui dans les ruines ?
En outre, l’événement naturel se transforme d’autant plus facilement en catastrophe qu’il affecte les intérêts du plus grand nombre. En 1783, la série de secousses qui touche la région de Messine fait trois fois plus de victimes qu’à Lisbonne mais comme elle concerne surtout des populations paysannes et qu’elle ne menace pas l’économie transatlantique, elle est bien moins couverte par la presse européenne. Faute de sources, elle est aujourd’hui moins connue des historiens.

Ville de Messine après le tremblement de terre

L’empathie de l’opinion mondiale est sélective

Aujourd’hui, alors que nombre de puissances ont fait le choix de l’industrie nucléaire, ce qui fascine tant les médias dans ce qui arrive au Japon n’est pas tant le séisme ou le tsunami que le risque d’une explosion des réacteurs de la centrale de Fukushima. Plutôt que de mobiliser le souvenir de Lisbonne, 1755, c’est donc plutôt à Grenelle, 1794, qu’il faut penser. Totalement oublié, l’événement est pourtant bien plus utile pour comprendre les enjeux politiques que posent aujourd’hui les risques naturels, qui s’accompagnent aujourd’hui presque toujours de risques technologiques.

Revenons sur les faits. Le 31 août 1794, à sept heures du matin, en plein Paris, la poudrerie de Grenelle, construite pour répondre aux besoins de la guerre, explose, détruisant les environs immédiats, propulsant des débris à plus de dix kilomètres et laissant plus de 1.000 morts. Mal connu et même largement oublié, le premier accident technologique de l’histoire européenne est pourtant identifié par un document [pdf] édité en 2006 par le ministère de l’Environnement comme l’événement qui aurait inspiré les premières lois de régulation des nuisances industrielles (1810). Repris par de nombreux experts et historiens, ce document construit une image rassurante : dès l’origine de l’industrialisme, les autorités politiques françaises auraient presque immédiatement pris conscience de la dangerosité des installations pour la santé des populations et mis en place une législation prévenant les pollutions et risques industriels. De Grenelle (1794) à AZF (2003), l’État responsable aurait ainsi constamment rempli sa mission de protection des populations face au développement de l’industrie. Les travaux de l’historien Thomas Le Roux (voir sa page) permettent aujourd’hui de remettre en cause cette légende.

Le drame n’entraine aucune loi sur la régulation des risques industriels

Parce qu’elle touchait un domaine relatif aux intérêts de l’État (la défense nationale) et que personne ne souhaitait brider le développement de l’industrie naissante, l’explosion de la poudrerie de Grenelle n’inspira directement aucune loi sur la régulation des risques industriels. Bien au contraire : dès 1794, malgré le traumatisme causé, malgré les signaux d’alarme tirés par certains experts, malgré les pensions versées aux familles des victimes, l’événement est rapidement occulté par les autorités. Les industries sensibles, liées à la sécurité nationale, sont ainsi délibérément tenues à l’écart de la législation sur les établissements insalubres de 1810, surtout destinée à limiter les pollutions massives engendrées par l’industrie chimique. La régulation des risques liés aux industries de guerre est, quant à elle, cantonnée dans un cadre législatif dérogatoire.

Peut-on, au nom des intérêts supérieurs de l’État, soustraire un certain nombre d’activités industrielles jugées vitales à l’indépendance politique ou énergétique, à la nécessité de protéger les populations et au droit de regard de la société civile ? C’est la question que posent, à plus de deux siècles de distance, les événements de Grenelle et de Fukushima. Mais si dans ce domaine, la raison d’État et l’opacité des autorités politiques restent importantes, les voix qui s’élèvent aujourd’hui pour demander un débat sur l’avenir du nucléaire en France montrent que depuis la fin du 18e siècle, rien n’est plus pareil : grâce aux progrès démocratiques, à la liberté de l’information et à la prise de conscience de la montée des risques technologiques, les citoyens disposent de ressources politiques dont leurs ancêtres étaient totalement dépourvus pour se saisir de leur destin.

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Publié initialement sur le blog Lumières du siècle sous le titre “Accidents technologiques et démocratie, du Japon à Grenelle”

Crédits photos et illustrations via Wikimedia Commons : par Sandover at en.wikipedia [Public domain], de Wikimedia Commons, sauf vignette de une : gravure extraite du document du ministère de l’Environnement cité dans le billet.

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Quand la fin du monde rattrape le Japon http://owni.fr/2011/03/19/quand-la-fin-du-monde-rattrape-le-japon/ http://owni.fr/2011/03/19/quand-la-fin-du-monde-rattrape-le-japon/#comments Sat, 19 Mar 2011 09:30:46 +0000 Jean-Noël Lafargue http://owni.fr/?p=52220 Ce qui me fascine en voyant défiler les tristes images du Japon dévasté par une catastrophe naturelle et menacé par un accident nucléaire, c’est à quel point elles me semblent familières. Malgré leur envergure exceptionnelle et leur brutalité, ces évènements, j’y avais déjà assisté, et les Japonais, plus encore que moi, tant les fictions qu’ils consomment regorgent de catastrophes de ce genre.

Katsuhiro Ōtomo, "Akira" (1982). La destruction de Neo-Tōkyō.

Nos journaux télévisés montrent à quel point les écoliers japonais sont entraînés à s’abriter sous leurs tables de classe dès qu’une secousse s’annonce. Ils évoquent aussi l’excellence des constructions anti-sismiques, en nous disant que les japonais sont toujours prêts à l’éventualité d’un tremblement de terre majeur ou d’un monstrueux tsunami. Mais cela va plus loin à mon avis. Par des récits de science-fiction surtout, les Japonais se sont aussi préparés psychologiquement. Et cette préparation par l’imaginaire fantastique n’a pas de destination pragmatique, elle ne dit pas comment se comporter pendant une catastrophe, elle établit la fatalité de la catastrophe.

"Godzilla vs Megalon" (1973), film de Jun Fukuda. Dans les films de la série Godzilla, le lézard géant et ses homologues Kaijūs (Gamera, Mothra, Rodan, Guidorah, Ebirah, Yonggary,...) incarnent souvent la vengeance de la nature malmenée par l'homme.

Bien entendu, pour produire des catastrophes crédibles, des récits “habités”, il faut aussi que l’idée de l’éventualité d’une fin du monde soit bien ancrée dans l’esprit des auteurs de ces récits, ils faut qu’ils y croient eux-mêmes pour y faire croire.

Tous les états de la peur

Marshall McLuhan disait que la bande dessinée est un média “froid”, c’est à dire un média qui réclame un effort conscient à son public et implique, en contrepartie, une certaine distanciation. Et ce n’est pas faux. J’ai pourtant connu un authentique sentiment d’effroi à la lecture de deux bandes dessinées, Dragon Head, par Minetarō Mochizuki et Ardeur (1980), par Alex et Daniel Varenne. Or ces deux séries sont des récits de fin du monde. Ardeur est un effrayant voyage dans une Europe ravagée par l’hiver nucléaire, écrit en plein “réchauffement” de la guerre froide. Je reparlerai peut-être un jour de cette série que je tiens pour un chef d’œuvre, du moins pour ses premiers tomes.

Minetarō Mochizuki, "Dragon Head" (1995)

Dans Dragon Head, un train se retrouve prisonnier d’un tunnel à la suite d’un séisme. Trois collégiens — deux garçons et une fille — survivent et essaient de quitter l’endroit et de comprendre ce qui est arrivé au Japon, apparemment victime d’une catastrophe majeure. Les divers protagonistes rencontrés au cours du récit connaissent tous les états de la peur : les uns se montrent pragmatiques, les autres basculent dans la folie complète. Personne ne sait rien, le pays entier est plongé dans les ténèbres, isolé du reste du monde.

"Ponyo sur la Falaise" (Hayao Miyazaki, 2009)

Même Ponyo sur la falaise (2009), de Hayao Miyazaki, qui a les apparences d’un conte pour enfants inspiré de la petite sirène d’Andersen, et qui est souvent présenté comme un des films les plus légers de son auteur, constitue à mon avis une lugubre évocation de l’absence, de la mort, du désastre, et de la violence du rapport de l’homme à la nature. L’héroïne qui donne son titre au film est la cause d’un tsunami qui noie une petite ville côtière. Si le spectateur choisira de croire que les pensionnaires d’une maison de retraite immergée sont sauvés de la noyade par un abri sous-marin plus ou moins magique, il n’est pas interdit de ne voir dans cette intervention qu’une fantaisie consolatrice.

Et nous?

Je trouve intéressante l’image qui suit, enregistrée sur une chaîne d’informations en continu il y a quelques heures. Confronté à l’impensable, le témoin des effets du désastre se sent projeté dans la fiction :

"Est-ce que c'est un rêve ? J'ai l'impression d'être dans un film ou quelque chose comme ça. Quand je suis seul je dois me pincer la joue pour vérifier si c'est bien réel" (un habitant de la ville de Rikuzentakata).

On pourrait bien sûr parler aussi de la manière dont les Américains, autres familiers des catastrophes (tornades, séismes, inondations), ont toute une production cinématographique notamment, autour de ce thème. Ce qui ne concerne pas que les désastres naturels, d’ailleurs : l’accident de la centrale de Three Miles Island avait été décrit par avance dans le film Le Syndrome Chinois, et on aurait du mal à dénombrer toutes les images prémonitoires des attentats du 11 Septembre 2001 qui ont été inventées pour des fictions.

Et ici, en France, au fait ? À quoi nous préparons-nous ?
À quoi ne nous préparons-nous pas ?

(article que je dédie à Julien, Claude et Hajime)

Billet initialement publié sur Le dernier blog

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Crédits photo: Flickr CC DVIDSHUB

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Pour en finir avec la discipline japonaise http://owni.fr/2011/03/16/pour-en-finir-avec-la-discipline-japonaise/ http://owni.fr/2011/03/16/pour-en-finir-avec-la-discipline-japonaise/#comments Wed, 16 Mar 2011 17:31:35 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=51784 Le 25 novembre 1970, Yukio Mishima, monument de la littérature japonaise, auteur de la Mer de la fertilité, se donne la mort par seppuku sous les yeux médusés de quelques dizaines de militaires. Après une tentative ratée de coup d’Etat qui tenait plus du testament esthétique que du calcul politique, l’écrivain nationaliste fait couler son propre sang au siège des forces d’autodéfense. Avant d’être décapité par un kaishakunin de fortune (comme le veut le rituel), il clame une dernière fois son amour pour l’empereur, sanglé dans son uniforme.

Nombreux sont ceux qui pensent que le suicide de Mishima est hautement symbolique de la psyché nipponne: il serait la rémanence des pratiques de certains soldats – parfois même des civils – préférant la mort à la capitulation pendant la Deuxième guerre mondiale, durant la bataille de Saipan par exemple. Au fil des décennies, cette image sacrificielle a perduré. Avec la catastrophe qui frappe l’archipel depuis quelques jours, elle se dilue dans une commisération déplacée. “Les kamikazes du nucléaire sacrifient leur vie”, titrait mardi 15 mars Le Figaro en évoquant les liquidateurs de la centrale de Fukushima. Comme si les cinquante techniciens qui essaient tant bien que mal de rétablir la situation allaient précipiter des hélicoptères chargés d’eau sur les parois de l’enceinte de confinement. Ridicule. Et faux.

Culture du risque

À lire ces analogies, il existerait un déterminisme japonais, une conscience collective de la discipline, du calme et de la rigueur, qui se manifesterait autant dans le quotidien des keiretsu que dans la fureur d’un événement cataclysmique. Pire, cet élément structurant caractériserait autant l’île que Sony, Toyota ou Yellow Magic Orchestra (les Kraftwerk locaux). Dans les heures qui ont suivi le séisme d’une magnitude de 8,9, l’un des plus importants du siècle, les médias ont presque unanimement loué l’organisation nipponne, l’absence de panique, de pillages, de mouvements de foules. Idem après le tsunami. Et quand survient un incident nucléaire de niveau 6, probablement le plus grave depuis Tchernobyl, ils chantent encore les louanges d’un peuple serein face à l’apocalypse, comme si 127 millions d’habitants allaient attendre stoïquement la fin du monde, les mains jointes et le port altier.

Mais ce n’est pas un quelconque esprit de corps qui est inscrit au patrimoine génétique des Japonais, c’est la culture du risque qui est inhérente à la géographie du pays. Ou alors, est-ce une culture de la catastrophe, distinguo intéressant fait par Slate.fr ?

La culture de la catastrophe, ou culture du danger, a un côté fataliste au sens où elle suppose que les catastrophes se produiront de toute façon et qu’il faut les accepter, alors que la culture du risque est à l’opposé même de l’acceptation.

Qu’ils habitent Tokyo, Sapporo ou Okinawa, tous les Japonais sont préparés aux caprices de la nature, comme en témoignent les séries d’exercices antisismiques menés chaque année. Sensibilisés dès le plus jeune âge, les habitants ont moins développé un sentiment de résignation qu’une capacité de résilience. Dans Le Monde du 16 mars, Hayao Miyazaki, le célèbre réalisateur du studio Ghibli, explique très simplement ce phénomène, et dégonfle la charge quasi-mythologique des analyses :

Il y a beaucoup de typhons, de tremblements de terre au Japon. Il ne sert à rien de faire passer ces désastres naturels pour des événements maléfiques. Ils font partie des données du monde dans lequel nous vivons. Je suis toujours ému quand je viens à Venise, de voir que, dans cette cité qui s’enfonce dans la mer, les gens continuent de vivre comme si de rien n’était. C’est une des données de leur vie. De même, au Japon, les gens ont une perception différente des désastres naturels.

Exaltation du patriotisme

Quand Philippe Pelletier, géographe à l’université de Lyon-II et spécialiste du Japon, estime que le pays “donne une leçon de sang-froid”, l’article ne peut s’empêcher d’étoffer son verbatim d’une lecture légèrement biaisée, dont la formulation exalte une sorte de patriotisme qui oblitère l’individu. “Face à l’épreuve, les Nippons respectent à la lettre les consignes, et se soumettent au destin avec un civisme et une entraide qui forcent l’admiration”, peut-on lire. Bien sûr, une telle appréciation témoigne d’une empathie certaine à l’égard des Japonais, mais elle tend à faire croire que ceux-ci s’en remettent à l’intérêt supérieur de la nation plutôt que de s’abandonner à la peur.

C’est probablement une erreur. A l’instar de cet expatrié français qui exprime sa colère contre des autorités dont la communication se fait chaque jour plus erratique, un nombre croissant d’habitants de l’archipel s’inquiètent de l’évolution de la situation. Hier soir, un de mes amis tokyoïtes exprimait une opinion que peu de commentateurs semblent avoir prévu dans leurs calculs prédictifs : “J’ai envie de quitter le pays”.

Quelques minutes avant l’effondrement de la vague et le déferlement du tsunami, les municipalités côtières ont déclenché l’évacuation des habitants. Sur place, plusieurs envoyés spéciaux ont recueilli les témoignages d’un homme, d’une femme, d’un fils ou d’une petite fille ayant dû se résoudre à laisser les moins valides derrière eux. Sur les diaporamas proposés par le Big Picture du Boston Globe, l’immense majorité des cadavres laissent apparaître la main ou le pied légèrement flétri d’une personne âgée. Certains témoins le reconnaissent, “les gens ne faisaient pas attention au sort des autres”. De quoi fissurer quelques préjugés. Mais qui osera les blâmer ?

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Crédits photo: Flickr CC Leo-setä, Leo-setä

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La circulation sur le web des images du séisme japonais http://owni.fr/2011/03/12/la-circulation-sur-le-web-des-images-du-seisme-japonais/ http://owni.fr/2011/03/12/la-circulation-sur-le-web-des-images-du-seisme-japonais/#comments Sat, 12 Mar 2011 17:26:30 +0000 Fatima Aziz http://owni.fr/?p=51099 Ce vendredi matin, comme d’autres internautes j’ai appris la triste nouvelle du séisme japonais à travers mes navigateurs. Ma prise de conscience de l’événement a commencé par une image de la Une de Yahoo qui montrait des voitures à flot dans un déluge. D’habitude je ne prête pas attention au flash en image de Yahoo qui est souvent consacré  aux célébrités, mais dans ce cas, j’étais sûre qu’il s’agissait d’une photo d’actualité . C’est à partir de cette photo/capture d’écran de la Une que ma simple visualisation s’est transformée dans une quête d’informations sur la toile.

Capture d'écran, une des premières images du séisme à circuler sur le web par exemple BroadSheet. Les méta données associées à cette images sont les suivantes: A screen grab taken from news footage by the Japanese Government broadcast NHK, on March 11, 2011. Photo credit AFP/Getty Images)

L’efficacité du hashtag

En me connectant simultanément sur Twitter et Google Actualités, j’ai pu localiser la catastrophe. Effectivement les mots-clés tendances sur Twitter #prayforjapan, #tsunami, #japon et #Tokyo Disneyland, ont signalé immédiatement les régions affectées et ont affiné considérablement ma recherche. En plus de signaler d’autres pays touchés, les tweetos affichaient également des images partagées via TwitPic.

L’intégration du lien vers l’image dans les tweetos est une fonctionnalité efficace car elle amène directement sur le compte TwitPic du titulaire et  donne accès à un corpus d’images regroupées sous le même hashtag. Depuis 2008, le TwitPic Image Share permet  le partage des images sur Twitter et propose sur son propre site une recherche de contenu visuel  à partir des mots clés & hashtags associés aux photos/vidéos.

Corpus d'images proposé par TwitPic Image Share à partir d'une recherche du hashtag #prayforjapan

Dans le cas du séisme, un exemple des tweetos  affichant des TwitPics étaient le hashtag #Tokyo Disneyland  avec  des photographies partagées par @mrdaps concernant les dégâts à Disneyland Tokyo.

Une des photographies du corpus #Tokyo Disneyland partagée sur twitter via TwitPic. compte @mrdaps

La réutilisation & circulation des images TwitPic

La reprise de la TwitPic partagée sous le hastage #Tokyo Disneyland sur Twitter.

Quant à la recherche des articles sur Google Actualités j’ai repéré dans quelques articles de blogs privés et des sites de presse la réutilisation des photos Twitpic comme les images les plus récentes du séisme. Par exemple l’article “Latest pictures of Japan’s 8.8 magnitude earthquake” sur le site International Business Times est illustré avec des photographies  provenant de TwitPic (7 sur 8 images sont créditées “Twitter Users). Curieusement, la réutilisation de ces images amènent à leur léger changement  éditorial par exemple, la légende du départ est effacée ou modifiée.

En comparaison avec des premières images partagées en temps réel via Twitpic des sites de presse comme la BBC, la Washington Post, Rue 89, Libération ont proposé des extraits du JT japonais rediffusé par des chaînes américaines, des diaporamas ou bien des photos en  grand format, très nettes.

Faute de comprendre le japonais, je n’ai pas cherché les tweetos nippons, par contre on peut retrouver les extraits du JT japonais  partagés sur Ustream.

Et Flickr?

En m’interrogeant sur ma propre démarche, je me suis demandé si Twitter et sa fonctionnalité de fournir l’information en temps réel n’avait pas remplacé la proposition iconographique de Flickr?

La recherche sur Flickr se fait également par mots-clés et les tags les plus utilisés, mais le site ne propose pas de recherche du contenu partagé en temps réel  ou des tags  tendances. Mais en effectuant une recherche par les tags : japan, earthquake j’ai découvert des séries de photos consacrées au séisme, de belles images en grand format que j’avais déjà vu sur les sites de presse plus tard dans la journée d’aujourd’hui. En voici quelques exemples:

Un échantillon de photos réutilisées dans les diaporamas proposés par la BBC & la Washington Post.Les tags associés sont Japan & Quake. http://www.flickr.com/photos/egbok/

Suite à cette découverte, j’estime que Twitter ou Twitpic n’ont pas remplacé Flickr, c’est l’usage des ces outils qui leur attribue un statut différent. La presse s’est servie des photos Flickr à plusieurs reprises, voir l’article sur ARHV “Tous journalistes?” Les attentats de Londres ou l’intrusion des amateurs. Alors, ce serait peut-être notre manière de rechercher l’image sur le web qui a changé car ce sont des outils proposant des moyens plus efficaces comme les hashtags et  les flux de mots-clés tendances qui s’avèrent être le premier choix.

Dans le contexte de la catastrophe, l’avatar peut-il se détourner en image?

En plus du partage des tweetos comme soutien aux victimes du séisme, plusieurs groupes et pages Facebook ont été crées vendredi sur le réseau social. Les membres de ces groupes et communautés partagent des liens, des images,  commentent et participent, mais aucun de ces membres, ni sur Facebook, ni sur Twitter n’a pas pensé afficher et/ou  diffuser leur soutien auprès des victimes à travers leur avatar.

Dans les contextes récents comme l’affaire Boris Boillon ou l’assassinat du Ministre des Minorités au Pakistan, l’avatar a été détourné de sa fonction visuelle pour servir à des fins iconographiques sur Twitter et Facebook, voir le billet “L’avatar est-il une image?”. Comment expliquer cet absence du détournement dans le cas du séisme japonais? Plusieurs hypothèses sont possibles, peut-être il n’y a pas d’image éditée et  mise en ligne qui peut servir la cause du détournement de l’avatar, ou bien il n’est pas toujours facile de résumer une catastrophe naturelle, de la réduire à une seule figure. Que faire et comment expliquer ce phénomène du détournement? Faut-il aller mener des entretiens auprès des utilisateurs des réseaux sociaux et leur demander d’expliquer leur choix d’avatar?

Suite à cette observation, au moins  un point méthodologique semble claire: le choix de l’avatar pour le détourner en image s’opère très vite, il est influencé par un événement national  ou international. L’image choisie est souvent affichée comme soutien à un événement d’actualité. Toujours dans le contexte du détournement de l’avatar, le choix de l’image dépend aussi du corpus visuel proposé sur le web.

Cependant, dans le contexte de ce séisme, le corpus visuel est présent, mais peut-être trop vaste pour proposer une figure. Compte tenu de tous ces facteurs observables sur le web qui démontrent ses limites, mais aussi ses avantages  il devient possible d’étudier le contexte du choix des images en termes de leur circulation et leurs usages.

>> Article initialement publié sur Image Circle, un blog de Culture Visuelle

>> Photo d’Illustration de l’article : FlickR CC by-nc-sa HisashiToday

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