OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La formation fantôme de la vidéosurveillance http://owni.fr/2012/09/11/la-formation-fantome-de-la-videosurveillance/ http://owni.fr/2012/09/11/la-formation-fantome-de-la-videosurveillance/#comments Tue, 11 Sep 2012 15:57:03 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=119830

D’ici la fin de l’année, les salariés de Pimkie ou des parking Vinci qui font de la vidéosurveillance devront effectuer une formation de 70 heures au Greta de Montpellier, unique centre qui dispense une formation sur ce domaine. Sinon, ils seront hors la loi. Telles sont les conclusions d’un article de blog paru ce lundi qui sème le doute sur les nouvelles obligations des opérateurs de vidéosurveillance.

La vidéosurveillance vidéoprotection est devenue par décret une spécialité de la sécurité privée en décembre dernier, en même temps que les “recherches privées”. Concernant la formation, la loi est claire, souligne notre blogueur :

Chaque activité du monde de la sécurité privée doit avoir “en face” une formation spécialisée, se rapportant à l’activité exercée [...]

Article 1
Les [...] salariés d’entreprises exerçant l’une des activités mentionnées à l’article 1er de la loi du 12 juillet 1983 susvisée justifient de leur aptitude professionnelle par la détention :

-soit d’une certification professionnelle, enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles, se rapportant à l’activité exercée ; [...]

Article 9
Le candidat à l’emploi justifie de l’aptitude professionnelle correspondant à l’activité qu’il exercera.

Sécurité privée d’État

Sécurité privée d’État

Un nouveau conseil des sages des sociétés de sécurité privée, le Cnaps, est installé ce 9 janvier pour tenter de ...

Depuis mars, la loi 83-629 régissant la sécurité privée a été intégrée dans le code de la sécurité intérieure (CSI). Son article L613-13 introduit une nouveau disposition : les opérateurs privés de vidéosurveillance visionnant la voie publique ou des lieux ouverts au publics sont soumis au CSI. En clair, un agent travaillant dans un parking, un magasin, un PC autoroutier est concerné.

La situation se complique pour nos opérateurs nouvellement soumis à ces obligations car ils ont jusqu’au 31 décembre… 2012, comme le stipule un décret de 2009. Un délai d’autant plus court que le Greta de Montpellier est donc le seul sur le créneau.

Formation sine die

L’article a vite été repéré par l’œil sagace d’Alain Bauer, le président du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), le nouvel organisme chargé d’encadrer le secteur. Alertée, la délégation interministérielle à la sécurité privée (DISP) a“rassur[é] les intéressés” le jour même par nos confrères de l’agence AEF sécurité globale. Son interprétation diffère totalement de celle du blogueur. Extrait du communiqué que la DISP nous a ensuite envoyé, qui se garde de fouiller les textes de loi :

Le décret n° 2011-1919 du 22/12/2011 a bien confirmé que la vidéoprotection était partie du champ des activités privées réglementées de sécurité.

Ceci a bien pour conséquence que tout opérateur chargé de visionner des images, qu’il appartienne à une société privée prestataire de services ou à un service interne, doit être détenteur avant le 31/12/2012 d’un numéro de carte professionnelle susceptible de lui être délivré au regard de ses antécédents et de la possession d’une attestation de formation en lien avec son activité.

Actuellement, toute formation, titre ou CQP (certification de qualification professionnelle, NDLR) concernant le champ de la surveillance par des moyens humains ou électroniques permet d’obtenir la carte professionnelle d’opérateur de vidéoprotection.

La DISP précise que les formations spécifiques sont reportées sine die :

En lien avec les professions concernées, et dans le cadre de la nécessaire professionnalisation de la formation aux métiers de la sécurité privée, l’Etat a prévu de procéder à la mise en place par arrêté, d’un cadre permettant à des opérateurs agissant dans le champ de la formation de proposer le moment venu des CQP ou titres spécialisés.

La formation des opérateurs de vidéosurveillance est pourtant un enjeu urgent, comme en témoignait encore récemment une étude du chercheur Tanguy Le Goff : regard discriminatoire ou distrait pour tuer le temps, perte de temps sur des aspects techniques. Et la petite histoire illustre la mise en ordre à marche forcée de la sécurité privée, à l’image de la mise en place accélérée du Conseil national des activités privées de sécurité cette année.

Car ce n’est pas la première fois que ce genre de tour de passe-passe est exécuté rappelle l’article :

- Un CQP APS sans agrément pendant au moins quatre mois [...] (avec arrêté rétroactif pour réparer tout ça)

- Tous les diplômes de niveau II Éducation nationale (psychologie, biologie et autres) sont “transitoirement” (et illégalement ? encore aujourd’hui) reconnus comme valant aptitude préalable à être dirigeant d’une société de sécurité privée, faute de n’avoir pas assez de formation reconnue au RNCP concernant cette aptitude.

En outre, et quand bien même une formation en vidéosurveillance ne serait pas requise, la marge reste étroite pour se mettre dans les règles, nous a expliqué le blogueur :

Entre ceux qui ne sont même pas au courant qu’ils vont être soumis au CSI, et le délai incompréhensible d’environ deux à trois mois de traitement du dossier par le Cnaps, sans compter le délai de formation (au moins quinze jours) et en supposant que des sessions de formation seront programmées à temps, je vois mal comment on pourrait respecter les délais.

Si dans les hypermarchés, qui ont souvent un service sécurité déclaré, les agents visualisant le système de vidéoprotection auront cette habilitation facilement, c’est surtout pour les nouveaux acteurs que cela va être compliqué, car avant, être devant des moniteurs de vidéoprotection ne nécessitait aucun agrément ou qualification.


Photo par minifig (CC-byncsa)

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Vidéosurveillance : ce que révèle la Cour des comptes http://owni.fr/2011/07/14/videosurveillance-ce-que-revele-la-cour-des-comptes/ http://owni.fr/2011/07/14/videosurveillance-ce-que-revele-la-cour-des-comptes/#comments Thu, 14 Jul 2011 10:26:13 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=73685

Claude Guéant est un fin communiquant : ses remontrances à l’encontre de la Cour des comptes, lancées alors même que les journalistes n’avaient pas encore lu le rapport de la Cour sur le coût et l’efficacité de la politique de sécurité initié par Nicolas Sarkozy en 2002, ont été tout autant, sinon bien plus médiatisées que les problèmes soulevés par les magistrats.

La lecture du chapitre consacré à la vidéosurveillance devrait être rendu obligatoire à tout maire désireux d’équiper sa ville de caméras. On y apprend en effet que les préfets, chargés de promouvoir la vidéoprotection, autorisent de nombreuses installations de vidéosurveillance à violer la loi censée l’encadrer, et que les commissions départementales censées les contrôler n’en ont ni les moyens, ni la volonté… réduites à “s’assurer que le formulaire de demande (d’autorisation) est correctement rempli“.

Accessoirement, on apprend aussi que le ministère de l’Intérieur, qui veut tripler le nombre de caméras, ne sait pas compter : il avait en effet évoqué “environ 30 000 caméras en 2009, et 40 000 en 2010“. Or, l’enquête de la Cour, effectuée à partir des données rassemblées par la direction de la police et de la gendarmerie, a conduit à une estimation d’environ 10 000 caméras de surveillance de la voie publique à la fin de 2010…

La Cour des comptes s’étonne par ailleurs des conditions d’autorisation des systèmes de vidéosurveillance, que Charles Pasqua avait réussi, en 1995, à retirer du périmètre de la CNIL pour le confier aux préfets, et donc au ministère de l’Intérieur :

La commission départementale de la vidéoprotection se borne à vérifier que les engagements écrits, pris par le pétitionnaire, sont conformes à la réglementation.
Elle ne se rend jamais sur place. De fait, elle n’a aucune marge d’appréciation et son rôle est exclusivement formel : elle s’assure que le formulaire de demande est correctement rempli et que les pièces exigées sont jointes.

Chambre d’enregistrement administrative, “la commission ne se prononce pas sur le bien-fondé du recours à la vidéosurveillance au regard des risques en matière de sécurité publique“, ce qui fait dire à la Cour des comptes que “la fiabilité du régime d’autorisation expose entièrement sur la bonne foi des pétitionnaires“. Logiquement, “les avis négatifs sont exceptionnels“.

La Cour déplore également l’”examen rapide des dossiers“, et les “difficultés techniques” auxquelles les commissions sont confrontées : un président généralement débordé et “peu disponible pour exercer sa fonction“, des représentants “souvent absents des réunions” et difficiles à réunir, “faute de candidats“, un nombre de dossiers parfois “très élevé (près de deux cents dans les Bouches du Rhône)” rendant l’examen des dossiers complexes “souvent superficiel et rapide” :

Les membres de la commission les découvrent sur table. Le secrétariat de la commission n’est pas en mesure d’effectuer un travail préparatoire par manque de temps et de moyens.
Ainsi, la demande d’installation de 357 caméras supplémentaires par la ville de Nice, reçue en préfecture le 22 juin 2009, a fait l’objet d’un avis de la commission départementale daté du lendemain.

La Cour des comptes déplore enfin “l’absence de moyens matériels et humains” rendant impossible toute forme de contrôle a posteriori.

Des préfets juges et parties

Dans un chapitre consacré au “large pouvoir d’appréciation du préfet“, les magistrats rappellent par ailleurs que ce dernier est “chargé de promouvoir auprès des élus locaux les avantages de la vidéosurveillance de la voie publique (et) de mettre en œuvre un « plan départemental de développement de la vidéoprotection » dans les sites les plus sensibles“.

Or, le préfet est aussi celui qui délivre “les autorisations d’installation de tels systèmes“… Une double casquette d’autant plus facile à porter que “le préfet n’est pas lié par l’avis rendu par la commission départementale, qui n’est que consultatif“, et qu’”il peut passer outre un avis défavorable“, comme ce fut le cas, notent les magistrats, pour l’installation de 32 caméras de vidéosurveillance à Corbeil-Essonnes en 2006.

Signe que la vidéosurveillance est moins corrélée à la délinquance qu’au sentiment d’insécurité, la Cour souligne enfin qu’une “circulaire ministérielle a donné instruction aux préfets de considérer que le risque d’insécurité est avéré même si le lieu ou l’établissement à surveiller n’ont pas connu d’agression ou de vol au moment de la demande“…:

Les préfets disposent donc d’une grande marge d’appréciation. Ils accordent des autorisations d’installation de caméras de surveillance de la voie publique dans des quartiers où la délinquance baisse ou dans des communes où son niveau est faible.

Non content d’autoriser des caméras dans des endroits “où la délinquance baisse“, les préfets prendraient également quelques libertés avec la loi, à en croire les magistrats, qui ont découvert que les arrêtés préfectoraux “ne respectent pas toujours les exigences relatives à l’identité et la qualité des personnes chargées d’exploiter les systèmes et de visionner les images” et que, dans certains cas, “la formulation retenue mentionne des personnes qui ne peuvent matériellement être celles qui visionneront effectivement les images”.

Ainsi, dans d’autres communes, c’est le maire, l’un de ses adjoints, ou encore le garde-champêtre, qui est censé surveiller les écrans de contrôle… quand ce n’est pas une entreprise privée, comme ce fut le cas pour les 28 caméras de la commune de Cluses, “en infraction avec la loi, (…) ce que le préfet ne pouvait ignorer lors de la demande d’autorisation“, relève les magistrats.

Seuls les fonctionnaires de police (nationale ou municipale) ou de gendarmerie sont en effet habilités à accomplir des missions de surveillance de la voie publique.

Dans un chapitre intitulé “Des autorisations d’une régularité contestable“, la Cour des comptes rappelle ainsi aux préfets que “la faculté, généralement laisse aux communes par les autorisations préfectorales” de confier, indifféremment à des policiers municipaux ou à des agents d’un autre statut, la charge d’exploiter ou visionner les images “est contraire aux textes en vigueur“.

En conclusion de son rapport, la Cour des comptes estime ainsi que “les préfets remplissent imparfaitement leurs missions quand ils autorisent l’installation de systèmes de vidéosurveillance de la voie publique sans appliquer de façon rigoureuse toutes les dispositions prévues en ce qui concerne la qualité des personnes chargée de leur exploitation” :

Elle constitue une infraction à l’article 10 de la loi du 21 janvier 1995 et au code général des collectivités territoriales.

Des employés peu ou pas formés, ni assermentés, ni agréés

La situation se corse avec le “double problème de formation et de qualification” de ceux qui, “employés communaux changés de service, anciens policiers municipaux, agents de médiation reconvertis, personnel reclassé (agents de service, assistantes maternelles, gardiens de musée)“, sont chargés d’exploiter les images des caméras sans y avoir été préalablement formés :

La Cour et les chambres régionales des comptes ont souvent constaté la faible professionnalisation des agents communaux chargés d’exploiter les systèmes de vidéosurveillance de la voie publique, notamment de visionner les images.

Les magistrats s’étonnent également du fait qu’”ils ne sont ni assermentés ni agréés“, et que nombreux sont les centres de supervision qui, “comme celui de Corbeil-Essonnes, ne possèdent ni règlement intérieur, ni projet de service, ni instruction ou note du maire définissant leurs missions et responsabilités“, ou encore la liste nominative de ceux qui sont habilités à visionner les images.

Pour autant, écrivent les magistrats, “les risques de dérives dans l’utilisation des systèmes de vidéosurveillance sont réels, notamment en matière de respect de la vie privée“, comme l’avait souligné le rapport sur la vidéosurveillance de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) :

Le non respect de la confidentialité demeure le talon d’Achille de la vidéoprotection. Une seule dérive en la matière peut ruiner l’image de tout le dispositif. Sourcilleuse des éventuelles atteintes à son image, l’opinion publique pourrait vite changer si des dérapages étaient constatés et médiatisés.

Un coût estimé à 600 millions d’euros par an

Dans son étude Vidéosurveillance et espaces publics, le spécialiste Tanguy Le Goff avait estimé à 20 000€ le coût global moyen d’installation d’une caméra. Les magistrats, eux, multiplient quasiment le chiffre par deux, estimant le coût moyen pondéré à 36 600 € TTC, par caméra :

L’objectif gouvernemental de triplement du nombre de caméras installées sur la voie publique entre 2010 et 2012 représenterait un coût de l’ordre de 300 M€.

En terme de coût d’exploitation (incluant maintenance technique et rémunération du personnel), là non plus les caméras ne coûtent pas partout pareil. En moyenne pondérée, la vidéosurveillance coûterait 7 400 € par caméra et par an, ce qui, d’un point de vue strictement comptable, fait là aussi quelque peu tiquer la Cour des comptes :

Sur cette base, le triplement de vingt à soixante mille du nombre de caméras de vidéosurveillance, visé par l’État, représenterait une dépense supplémentaire de fonctionnement de l’ordre de 300 M€ par an pour les communes et les établissements intercommunaux, soit l’équivalent de la rémunération d’un tiers (6 500 policiers municipaux) des effectifs actuels des polices municipales.

Et plus il y a de projets subventionnés, moins il y a d’argent par caméra : “le coût des investissements des 533 projets de vidéosurveillance subventionnés en 2009 a été nettement moins élevé, soit en moyenne 136 457 € par projet et 7 570 € par caméra installée.“ Et, cette année, la subvention, allouée par caméra, a même été divisée par plus de deux : “au cours des dix premiers mois de l’année, le comité de pilotage stratégique a choisi de sélectionner 720 projets représentant 7 698 caméras pour un total de subventions du FIPD de 27,782 M€, soit 3 610 € par caméra.”

L’État subventionne largement la vidéosurveillance, au point d’y consacrer “plus de 60%” des crédits de son Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Mais si le raccordement des caméras aux services de police et de gendarmerie est subventionné à 100%, par contre, les frais de fonctionnement, de maintenance et de renouvèlement sont à la charge des collectivités. Ce qui fait que de plus en plus de villes ont des caméras qui… ne fonctionnent plus, faute de budget pour les réparer.

Une efficacité qui reste à démontrer

En attendant, le programme de triplement en trois ans (2010-2012) du nombre de caméras de surveillance de la voie publique “nécessite un investissement qu’on peut estimer à 300 M€, subventionné, en moyenne, à hauteur de 40 % par l’Etat“, les collectivités territoriales devant, elles financer “60 % de l’investissement (plus) les dépenses de fonctionnement, de l’ordre de 300 M€ par an” :

En conséquence, il aurait été souhaitable, notamment du fait de l’importance des sommes en jeu, qu’une évaluation de l’ efficacité de la vidéosurveillance accompagne, sinon précède, la mise en œuvre, de ce plan de développement accéléré.

Or, déplore la Cour des comptes, et contrairement au Royaume-Uni, pays le plus vidéosurveillé, “aucune étude d’impact, réalisée selon une méthode scientifiquement reconnue, n’a encore été publiée“, alors même que les premières villes vidéosurveillées le sont depuis le milieu des années 90, et que le gouvernement ne cesse d’en vanter les mérites :

Revenant sur le rapport réalisé, à la demande du ministère de l’Intérieur, afin de démontrer “l’efficacité de la vidéosurveillance“, les magistrats soulignent “les résultats contradictoires ainsi que sa méthode (qui) ne permettent pas d’en tirer des enseignements fiables” (voir Un rapport prouve l’inefficacité de la vidéosurveillance).

Censée évaluer l’efficacité des caméras filmant la voie publique, l’étude se basait ainsi sur les caméras de la RATP et des transports en commun lillois… et non celles contrôlées par la police ou la gendarmerie. Le rapport précité dressait de même une liste de 18 “faits marquants d’élucidation, grâce à la vidéoprotection“, reposant essentiellement sur des caméras installés dans des hôtels, bureaux de tabac, supermarchés… et même la vidéo d’un mariage.

La Cour des comptes relève également l’extension des domaines d’utilisation de la vidéosurveillance, passés progressivement des “objectifs initiaux (que) sont la surveillance de la voie publique, des bâtiments communaux ou encore du trafic routier” à une “gestion urbaine de proximité” :

Ainsi, depuis la fin de 2009, sur certaines artères de Cannes, les véhicules en infraction, notamment garés en double file, peuvent être photographiés par les caméras et les contrevenants reçoivent un timbre amende dans les 48 heures.

A Nice, en outre, un partenariat a été engagé avec la police nationale, auquel ont participé financièrement la commune et le département, pour mémoriser les plaques d’immatriculation de tous les véhicules entrants et sortants de la ville.

Initiée pour lutter contre la délinquance, la vidéosurveillance, rebaptisée « vidéoprotection » par la LOPPSI 2 est aujourd’hui “considérée, davantage encore en période de baisse des effectifs de policiers et de gendarmes, comme l’un des principaux moyens pour réduire le nombre de délits et améliorer leur taux d’élucidation“. La lecture du rapport de la Cour des comptes fait plutôt penser au programme analysé par Michel Foucault dans son ouvrage sous-titré “Naissance de la prison” : Surveiller et punir. Mais à quel prix ? Au profit de qui ? Et pourquoi ?

Dans sa réponse aux magistrats, Claude Guéant dénonce “un nombre important d’inexactitudes, d’erreurs d’analyse, d’oublis et d’appréciations manquant parfois d’objectivité“. Mais plutôt que de mentionner les caméras installées sur la voie publique, dont toutes les études ont démontré l’inefficacité, il se contente d’évoquer les… 15 000 caméras des réseaux fermés de transport public de Paris et sa banlieue pour justifier sa volonté de suivre l’objectif fixé de tripler le nombre de caméras.

Photo CC Flickr Pas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales x’tof PaternitéPartage selon les Conditions Initiales charlesdyer, PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification kakhun.wart et PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales _boris

MAJ 16.11.2011 : photos de Pulpolux [cc-by-nc] via Flickr

Une Marion Boucharlat pour OWNI /-)

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Vidéosurveillance : rions un peu avec Estrosi, et la LOPPSI

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Les petits bras musclés de la CNIL s’ouvrent à la vidéosurveillance http://owni.fr/2011/04/28/les-petits-bras-muscles-de-la-cnil-souvrent-a-la-videosurveillance/ http://owni.fr/2011/04/28/les-petits-bras-muscles-de-la-cnil-souvrent-a-la-videosurveillance/#comments Thu, 28 Apr 2011 06:30:08 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=59455 Toute honte bue, dans un communiqué daté du 26 avril, la CNIL se réjouit de disposer “dorénavant d’un pouvoir de contrôle de tous les dispositifs de vidéoprotection installés sur le territoire national, y compris ceux installés sur la voie publique“. Et même de pouvoir “proposer au préfet d’ordonner des mesures de suspension ou de suppression du système contrôlé“.

La CNIL oublie cela dit de préciser que le nouveau cadre légal encadrant les questions de sécurité intérieure lui a fait perdre son pouvoir de sanction. Il lui interdit aussi de prononcer un avertissement public contre les contrevenants, ce qui, de l’aveu même de l’un des commissaires de la CNIL, “constitue une régression par rapport à la loi « informatique et libertés » de 1978“…

Dans un autre communiqué, où elle annonce son programme des contrôles 2011, la CNIL se félicite de pouvoir enfin “contrôler tous les dispositifs dits « de vidéoprotection »” :

Cette nouvelle compétence était nécessaire afin que le déploiement de ces dispositifs s’effectue sous le contrôle d’une autorité indépendante garante des libertés et du développement homogène de la vidéoprotection sur l’ensemble du territoire.

La Commission a décidé de mobiliser fortement ses ressources puisqu’elle s’est fixé comme objectif la réalisation d’au moins 150 contrôles portant sur ces dispositifs.

Le premier communiqué présente de fait cette “nouvelle compétence” comme une victoire remportée par la CNIL, et la LOPPSI comme une avancée pour les droits informatique et libertés :

La loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) a grandement modifié le régime juridique relatif à la vidéoprotection.

Certaines de ces modifications concernent directement la CNIL : en particulier, elle est désormais compétente pour contrôler les systèmes de vidéoprotection, qu’ils soient installés sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public, ce qu’elle réclamait depuis de nombreuses années.

Déjà, en septembre dernier, Alex Türk, président de la CNIL et sénateur du Nord, parvenait à convaincre ses collègues sénateurs de la pertinence de substituer le terme honni de “vidéosurveillance” par celui, béni par la LOPPSI, de “vidéoprotection“, au motif que cela rendrait plus facile l’installation de systèmes de vidéosurveillance par les maires… “de gauche”. Ces “nouvelles compétences de contrôle“, présentées comme “l’un des changements majeurs apportés par la LOPPSI“, étaient réclamées depuis 2008 par la CNIL :

Celle-ci dispose dorénavant d’un pouvoir de contrôle de tous les dispositifs de vidéoprotection installés sur le territoire national, y compris ceux installés sur la voie publique, qui relèvent de la loi du 21 janvier 1995.

Elle peut également mettre en demeure les responsables de ces systèmes si elle constate des manquements aux obligations qui s’imposent à eux (information du public, respect de la durée de conservation des enregistrements, limitation des destinataires des images, etc.).

Elle peut enfin proposer au préfet d’ordonner des mesures de suspension ou de suppression du système contrôlé.

Il en allait en effet de “la nécessité du contrôle par un organisme indépendant, des dispositifs de vidéoprotection” :

Le contrôle des surveillants constitue en effet une exigence fondamentale pour asseoir la légitimité de ces systèmes dans le respect des droits et libertés des citoyens.

Une régression par rapport à la loi « informatique et libertés »

Cependant, la lecture du compte-rendu de la commission mixte paritaire du 24 janvier 2011, à l’origine de la LOPPSI, tempère quelque peu cet enthousiasme :

Mme Delphine Batho, députée : Vous ôtez à la CNIL son pouvoir de prononcer un avertissement public contre les contrevenants !

M. Sébastien Huyghe, député : En tant que membre de la CNIL, je regrette qu’on lui fasse perdre son pouvoir de sanction – car un avertissement public est une sanction.

M. Jean-Paul Amoudry, sénateur : Je m’abstiendrai, car en ôtant à la CNIL le droit de prononcer un avertissement public, cet article constitue une régression par rapport à la loi « informatique et libertés » de 1978. J’approuve en revanche les autres modifications proposées par les rapporteurs.

A noter que Jean-Paul Amoudry, lui aussi, commissaire à la CNIL, n’a pas pris part au vote, contrairement à Alex Türk qui, lui, a voté pour la LOPPSI (voir ses explications).

De fait, l’article 18 de la LOPPSI définit clairement les limites de ce “contrôle des surveillants

Lorsque la Commission nationale de l’informatique et des libertés constate un manquement aux dispositions de la présente loi, elle peut, après avoir mis en demeure la personne responsable du système de se mettre en conformité dans un délai qu’elle fixe, demander au représentant de l’Etat dans le département et, à Paris, au préfet de police, d’ordonner la suspension ou la suppression du système de vidéoprotection. Elle informe le maire de la commune concernée de cette demande.

L’énoncé et l’échelle des sanctions prévues par la LOPPSI montrent bien, par ailleurs, la très ferme volonté du gouvernement de réprimer extrêmement sévèrement les contrevenants de sorte que les peines s’avèrent éminemment dissuasives, conformément à la volonté de sévérité incarnée par la LOPPSI :

A la demande de la commission départementale, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou de sa propre initiative, le représentant de l’Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent fermer pour une durée de trois mois, après mise en demeure non suivie d’effets dans le délai qu’elle fixe, un établissement ouvert au public dans lequel est maintenu un système de vidéoprotection sans autorisation.

Lorsque, à l’issue du délai de trois mois, l’établissement n’a pas sollicité la régularisation de son système, l’autorité administrative peut lui enjoindre de démonter ledit système. S’il n’est pas donné suite à cette injonction, une nouvelle mesure de fermeture de trois mois peut être prononcée.

Le préfet “peut” fermer, “peut” lui enjoindre de démonter ledit système, “peut” prononcer une nouvelle mesure de fermeture de trois mois… Dit autrement, le préfet “peut” aussi “ne pas“. On parie qu’il le fera ? Allez “hop boum boum crac crac Gouzigouza“…

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Mise à Jour : voir également la réponse de la CNIL, qui conteste le terme de “régression” qui avait pourtant bien été employé, à l’Assemblée, par l’un des commissaires de cette même CNIL.

Illustrations : pochettes de disques des Musclés extraites de Bide & Musique et d’un site perso consacré aux Musclés.

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http://owni.fr/2011/04/28/les-petits-bras-muscles-de-la-cnil-souvrent-a-la-videosurveillance/feed/ 7
Vidéosurveillance: rions un peu avec Estrosi, et la LOPPSI http://owni.fr/2011/02/08/videosurveillance-rions-un-peu-avec-estrosi-et-la-loppsi/ http://owni.fr/2011/02/08/videosurveillance-rions-un-peu-avec-estrosi-et-la-loppsi/#comments Tue, 08 Feb 2011 17:10:41 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=45714 En 1947, René Barjavel, précurseur de la science-fiction “à la française“, imagina pour l’ORTF un système de vidéosurveillance généralisé :

retrouver ce média sur www.ina.fr

Savez-vous que peut-être demain les rues de Paris seront privées d’agents ? Il suffira qu’elles soient balayées par des caméras de télévision. A la préfecture des fonctionnaires attentifs surveilleront sur de multiples écrans la vie de la capitale…

Tiens, un voleur. On le poursuit vainement parce qu’il a de très bonnes jambes. Pourquoi d’ailleurs courir après lui ? On le voit si bien sur les écrans se sauver, prendre une rue à droite, une rue à gauche… Il suffira d’envoyer des agents à sa rencontre.

Interrogée par France Info, 63 ans plus tard, et à l’aune de l’adoption de la Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI2), Sylviane Casanova, directrice de la sécurité et de la protection à la ville de Nice, ne dit pas mieux :

A l’heure actuelle, il y a un tel maillage que l’on arrive à suivre sur plusieurs kilomètres les auteurs d’infraction. Plusieurs caméras prennent le relais, les agents connaissent les réseaux de caméras et on suit les individus comme ça.

La dernière fois, on a interpellé une personne qui avait volé une sacoche 12 minutes après les faits, à plusieurs kilomètres du lieu de l’infraction. Sans le support des caméras, on n’aurait pas pu retrouver ces individus”.

Nice, “laboratoire sécuritaire du gouvernement”

Sous l’impulsion de son maire UMP, Christian Estrosi, Nice est devenue une sorte de “laboratoire sécuritaire du gouvernement“, avec ses 624 caméras de vidéosurveillance (soit une pour 600 habitants), qui balaient un champ d’environ 150 mètres, sur 360°, et qui ont coûté la bagatelle de 8,7 millions d’euros. Ce dont il se félicite, toujours sur France Info :

On sait de plus en plus à Nice que seuls les voyous ont à craindre pour leur liberté et pas les honnêtes citoyens et plus ça se saura et plus on prendra de précautions avant de nuire à l’intégrité physique de quelqu’un ou aux biens d’autrui”, se félicite le maire de Nice, Christian Estrosi.

“Ceux qui ont dû passer aux aveux à cause des images qu’ils n’ont pas pu nier sont nos meilleurs ambassadeurs en terme de communication parce qu’ils vont dire dans tous les quartiers : attention dans cette ville, on est filmé et à tous les coups on se fait prendre.

De fait, le taux d’élucidation aurait effectivement augmenté, mais pas dans les mêmes proportions. Car si la petite délinquance a baissé de 1,34% l’an passé, et que le nombre d’interpellations réalisées par la police municipale a doublé, passant de 900 à 1850 en 2010, “en revanche, les vols avec violence continuent à progresser, malgré la présence des caméras“, souligne France Info, qui relève même une “augmentation de 20% avec 2932 vols avec violence en 2010 contre 2437 en 2009.”

0,34 interpellations, par caméra, et par an

La vidéosurveillance est-elle vraiment efficace ?, s’interroge pour autant Nice Matin, relayant un chiffre relevé par Emmanuelle Gaziello (PCF), pour qui “le bilan semble faible, en matière de retour sur investissement : en 2010, il y a eu 16 400 atteintes aux personnes, et 185 interpellations grâce aux caméras de vidéosurveillance“.

Les statistiques de décembre sont tombées, et dénombrent, pour 2010, 17 670 “atteintes aux personnes“, 2059 interpellations effectuées par la police municipale, dont 213 “à l’aide des caméras de vidéoprotection“, soit… 0,34 interpellations par caméra, un taux trois fois moindre que celui relevé, à Lyon, par la Chambre régionale des comptes qui, s’étonnant de voir que les caméras ne permettaient, en moyenne, l’arrestation que de une seule personne par caméra et par an, en arrivait à la conclusion que “la vidéosurveillance coûte très cher et ne sert pas à grand-chose” (voir L’impact de la vidéosurveillance est de l’ordre de 1%). En comparaison, chacun des 280 policiers municipaux niçois ont, en moyenne, procédé à 7 autres interpellations chacun dans le même temps…


(capture d’écran issue de l’observatoire de la sécurité de la ville de Nice)

Les statistiques policières ne sont pas une science exacte, et on peut leur faire dire tout et son contraire (cf Plus la délinquance baisse, plus la violence augmente, ou encore Un rapport prouve l’inefficacité de la vidéosurveillance). Il n’empêche : sur France Info, Eric de Montgolfier, procureur de la république de Nice, évoque de son côté un “demi-échec” :

Quand vous êtes victime d’une agression, s’il y a une caméra et que cela ne vous a pas empêché d’être victime, est-ce que vous serez consolé qu’on vous dise « il y avait une caméra, on va trouver l’auteur, » la victime restera victime…

Un système qui empêcherait les gens d’être victimes serait un bon système, mais un système qui ne permet que de trouver les auteurs, c’est un système de demi-échec, parce que l’infraction a été commise

Christian Masson, président de l’association “Un cœur pour l’Ariane”, un “quartier sensible” de la ville, parle quant à lui d’”échec complet” :

Il y a beaucoup d’angles morts et la petite délinquance en profite. On arrive toujours à trouver un endroit qui n’est pas couvert par le faisceau des caméras. C’est un échec complet alors que si on avait comme par le passé des policiers qui font des rondes, les gens se sentiraient plus en sécurité et il y aurait moins d’incivilités dans le quartier.

Cela n’a rien changé, on a eu des voitures qui ont flambé, il y a eu des agressions, en ville il y a eu aussi des gros braquages sans que les caméras permettent de retrouver les voleurs. Pour l’efficacité de la recherche policière, j’ai des doutes, en revanche, au niveau du coût on va s’en rendre compte, parce que tout cela revient horriblement cher.

Moins de gardiens de la paix, encore plus de caméras

Interrogé par France Info, Frédéric Guérin, secrétaire départemental adjoint du syndicat Unité police SGP-FO des Alpes-Maritimes, s’interroge lui aussi sur la multiplication des caméras dans la ville, craignant de voir, à terme, les caméras se substituer à la présence policière :

Nos effectifs sont en baisse permanente parce que l’Etat a mis en place le non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite, donc automatiquement nos effectifs baissent et on voit l’apparition sur Nice de plus en plus de caméras. Est-ce que les caméras vont finir par remplacer les policiers ?

En réponse à toutes ces critiques, Christian Estrosi vient d’annoncer que 100 policiers municipaux vont être embauchés cette année (ils seront 380, soit 100 de plus qu’en 2008), venant s’ajouter aux 60 agents (dont 10 handicapés) recrutés pour surveiller les 14 écrans de surveillance, 24/24, et que 100 caméras seront également rajoutées au dispositif, pour un budget supplémentaire de 3 millions d’euros…

On parie combien que le nombre d’arrestations, par caméra, sera proportionnellement encore plus faible l’an prochain ?

“Les caméras descendent rarement de leurs poteaux avec leurs petits bras musclés”

Christian Estrosi ferait bien d’écouter les spécialistes des questions de sécurité, à commencer par Alain Bauer, le Mr Sécurité de Nicolas Sarkozy (il est tout à la fois président du conseil d’orientation de l’Observatoire national de la délinquance, de la Commission nationale de la vidéo-surveillance, et de la Commission sur le contrôle des fichiers de police) qui, interrogé sur France Inter le 30 juillet dernier au matin, juste avant que Nicolas Sarkozy ne prononce son désormais célèbre discours de Grenoble, remettait lui aussi en cause cette croyance aveugle dans les supposées vertus de la vidéosurveillance :

Bruno Duvic : Alain Bauer, est-ce qu’on a précisément mesurer quand les caméras de vidéosurveillance étaient efficaces et quand elles l’étaient moins ?

Alain Bauer : Oui oui, on a de très nombreuses études sur la vidéoprotection, essentiellement anglo-saxonnes, qui montrent que dans les espaces fermés et clairement identifiés c’est très efficace, mais que plus c’est ouvert et moins on sait à quoi servent les caméras, moins c’est efficace, pour une raison simple, c’est qu’elles descendent rarement des poteaux avec leurs petits bras musclés pour arrêter les voleurs : la caméra c’est un outil, c’est pas une solution en tant que telle…

Bruno Duvic : …c’est un outil d’après coup

Alain Bauer : non non non, paradoxalement, c’est beaucoup plus compliqué que ça : pour tout ce qui est prémédité, la caméra est prise en compte par les criminels, et donc elle a un effet fortement dissuasif, mais pour tout ce qui est spontané, on agresse des policiers, mais la présence d’une caméra n’a pas plus d’efficacité que la présence d’un uniforme si on agresse un uniforme.

Quelques minutes plus tard, Nicolas Sarkozy confirmait, à Grenoble, son plan de déploiement de 60 000 caméras d’ici 2012 :

Mais qui peut penser que ce sont quelques îlotiers supplémentaires qui permettront d’éradiquer les caïds, les trafiquants et les trafics ? Nous avons besoin de nous rassembler pour montrer à cette minorité qu’elle n’a aucun espoir et que nous allons agir. Et il ne peut pas y avoir de naïveté et d’angélisme en la matière.

Je souhaite d’ailleurs qu’au-delà des divergences entre nous, nous nous rassemblions. La vidéosurveillance, la vidéo-protection, on en a besoin. Il n’y a pas les caméras de gauche et les caméras de droite. Il y a le fait que les délinquants grands ou petits craignent par-dessus tout d’être pris dans les images parce que ce sont des preuves judiciaires. Et par ailleurs, c’est la meilleure façon de protéger la police et la gendarmerie de toute polémique.

Notre président n’avait probablement pas, lui non plus, écouté son Mr Sécurité le matin même sur France Inter… On attend avec impatience le nombre d’interpellations recensées à l’aide des 20 000 caméras de vidéosurveillance prévues dans la LOPPSI2.


Illustration : CC Leo Reynolds

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La vidéosurveillance laissée en jachère

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http://owni.fr/2011/02/08/videosurveillance-rions-un-peu-avec-estrosi-et-la-loppsi/feed/ 19
A Paris, la police aura des yeux tout partout http://owni.fr/2011/01/05/a-paris-la-police-aura-des-yeux-tout-partout/ http://owni.fr/2011/01/05/a-paris-la-police-aura-des-yeux-tout-partout/#comments Wed, 05 Jan 2011 16:34:26 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=41156 Mise à jour : Aidez-nous à améliorer la géolocalisation des caméras de surveillance de Paris !.

Vidéosurveillance à Paris : c’est parti !“. Ce lundi 3 janvier 2010, date de la rentrée, Le Parisien publiait la liste des emplacements définitifs des quelques 1106 caméras de vidéosurveillance qui mailleront, d’ici à la fin 2012, la Ville Lumière, et dont OWNI fournit la carte, géolocalisée, mise à jour par rapport aux cartes proposées par la Préfecture de Police de Paris (avant / après) :

Mieux : non seulement la carte a été mise à jour, mais il vous suffit de cliquer sur les petits pictogrammes pour accéder au mode Google Street View, qui vous permettra de visualiser ce qui sera vidéosurveillé (vous pouvez même télécharger le fichier .kml des caméras géolocalisées si vous voulez vous en servir et l’exploiter autrement) :

Lorsque l’on regarde l’emplacement des caméras, comme l’a fait le site Megalopolis, on constate que les arrondissements du centre-ville sont plus densément couverts que la périphérie parisienne. On compte 23 caméras pour 10 000 habitants dans le 1er arrondissement, contre 2 pour 10 000 dans le 20e.

Doit-on en conclure que la préfecture ne s’intéresse qu’aux plus riches ? Non. Les caméras ont été placées dans les lieux qui concentrent la criminalité de voie publique. La préfecture est particulièrement avare de chiffres, mais, à en croire une étude de 1999, le centre de la capitale ainsi que les grands boulevards et les abords des Champs-Elysées sont les plus touchés. Normal, ces lieux attirent les touristes, qui attirent, eux, les voleurs à la tire.

Quoi qu’il en soit, avec une caméra pour 2 000 habitants, Paris reste loin derrière Londres. Là-bas, chaque caméra est dédiée à 14 personnes !

Caméras par arrondissement

Arrondissement Caméras Population Caméras pour 10 000 hab.
1 41 17745 23,1
8 78 39088 20,0
4 48 29138 16,5
7 75 56612 13,2
2 26 21259 12,2
9 51 58497 8,7
5 45 61475 7,3
6 33 45278 7,3
3 24 34721 6,9
10 54 92082 5,9
16 74 153920 4,8
14 57 134370 4,2
12 60 141519 4,2
18 75 190854 3,9
13 70 178716 3,9
19 65 186180 3,5
17 50 161327 3,1
15 67 232949 2,9
11 43 152436 2,8
20 45 193205 2,3

La carte n’est cela dit que très partielle, car ce ne sont pas 1000, mais 13 000 caméras, qui seront interconnectées, et reliées aux commissariats, suivant en cela la volonté affichée par Michèle Alliot-Marie, Brice Hortefeux et Nicolas Sarkozy de tripler le nombre de caméras sur la voie publique.

Objectif affiché : protéger les citoyens et les biens. De fait, il s’agit aussi et surtout d’interconnecter les différents systèmes de vidéosurveillance existants, afin de donner plus de pouvoirs de contrôle à la préfecture de police de Paris, grâce à un recours accru aux nouvelles technologies (voir aussi La Loppsi “kiffe” les nouvelles technologies) :

Le plan de vidéoprotection pour Paris (PVPP) s’inscrit dans une stratégie globale de modernisation des moyens de commandement de la préfecture de police avec le projet de création d’un centre de commandement unique et le recours à toutes les technologies d’aide à la décision en matière de sécurité, radio et géolocalisation notamment.

Jean-Marc Leclerc, journaliste au Figaro, avait expliqué, en décembre dernier, que plus de 13 000 caméras publiques et privées seront reliées au système de ce « plan de vidéoprotection pour Paris » (PVPP), baptisé plus prosaïquement « plan 1000 caméras » :

Nice avait frappé un grand coup avec sa vidéo municipale high-tech. Paris va surprendre à son tour avec la concrétisation d’un projet de 200 millions d’euros, soit dix fois le budget niçois !

Et le journaliste de s’extasier sur “le lancement de travaux d’aménagement dans les 20 commissariats d’arrondissement de la capitale” :

Depuis quelques jours, on y passe des câbles, on vide des bureaux pour installer des murs d’écrans où seront projetées les images de nouvelles caméras, dont certaines à vision nocturne. La moitié sera commandable à distance, à l’aide d’un minuscule joystick semblable à celui des consoles de jeu. « La vidéo ne se substituera pas au policier, prévient le préfet de police de Paris, Michel Gaudin, mais elle va indéniablement révolutionner sa façon de travailler ».

Car, et au-delà des 1106 caméras, explique Jean-Marc Leclerc, certains policiers habilités pourront, “d’un simple clic“, se connecter aux 10 000 caméras de la SNCF et de la RATP, ainsi qu’à celle des entreprises privées qui accepteront de mettre leurs caméras au service de l’État, “comme le magasin du Printemps ou les gestionnaires du Parc des expositions de la porte de Versailles, du Forum des Halles, du Palais des congrès, du Carrousel du Louvre, du Stade de France ou du Parc des Princes“.

Et ce n’est pas fini : le PVPP se donnait également pour objectif de “développer la vidéoprotection dans les transports publics, les sites d’habitat collectif touchés par l’insécurité et les commerces de proximité pour protéger davantage les lieux de vie des citoyens dans l’espace public“.

D’autres caméras seront donc probablement, à terme, interconnectées. En attendant l’adoption de la LOPPSI, qui prévoit aussi de “mutualiser les coûts des centres de supervision entre les communes“…

La vidéoprotection ? Un “système d’armes”

Ainsi, pour surveiller ces 1000 caméras de vidéosurveillance, ainsi que les 13 000 caméras hors voie publique, ce sont pas moins de 2500 policiers qui seront formés, le préfet Didier Martin tenant à préciser qu’”ils seront les seuls à pouvoir accéder aux images et ils devront s’identifier avec une carte à puce. Leurs interventions seront donc tracées” :

Selon la préfecture, ces policiers pourront suivre en direct des actes délictueux et, si besoin, basculer sur les milliers de caméras de surveillance des réseaux RATP et SNCF. Le système pourra-t-il être exploité à d’autres fins que la surveillance de la voie publique comme les infractions routières (feux rouges grillés par exemple) ? « Ce n’est pas le cœur du nouveau dispositif. Il n’a pas été conçu dans cet esprit, assure Daniel Martin. Mais il est aussi étudié pour être à la pointe des évolutions technologiques et législatives. »

En résumé : contrairement à ce que notre carte indique, ce ne sont pas 1000, mais 13 000 caméras qui seront reliées aux commissariats, et probablement bien plus au fur et à mesure du déploiement d’autres dispositifs, publics ou privés, dans le grand Paris. Et nul ne sait à quoi elles serviront, à terme.

Dans son article, Jean-Marc Leclerc donnait ainsi la parole au commissaire Jérôme Foucaud, de l’état-major de la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP) : « Le problème n’était pas tant le nombre de caméras disponibles que la façon dont elles allaient pouvoir être exploitées » :

En clair : il fallait un logiciel pour aider le policier à détecter et afficher uniquement les images utiles à son travail. Les étapes de l’élaboration de cet outil informatique, confiée à la société Iris, attributaire du marché, ont été supervisées par un ingénieur général de l’armement, Thierry Leblond. «Concevoir un tel projet, c’est comme imaginer un système d’armes », explique-t-il.

Étrangement, et alors que le gouvernement voudrait interdire l’utilisation du mot “vidéosurveillance“, qui fait bien trop peur aux gens, au profit du bien plus adouci terme de “vidéoprotection” (voir Docteur Alex et Mister Türk), l’ingénieur général de l’armement chargé de le rendre intelligent en parle, lui, comme d’un “système d’armes“… La conclusion de l’article du Figaro est à l’encan :

Si tout se passe comme prévu, dès la fin de l’année 2011, la police aura des yeux partout, pour les besoins d’un service d’ordre ou d’une filature, pour vérifier une information ou mettre sous surveillance un secteur à risques. Et pas seulement les commissariats. Car les 400 kilomètres de fibre optique posés à compter de février pour relier ce réseau tentaculaire vont alimenter 55 sites dans la capitale ou sa périphérie, comme la DCRI, à Levallois-Perret, centre névralgique du contre-terrorisme et du contre-espionnage, la caserne de Champerret, siège de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, ou encore la salle de crise du ministre de l’Intérieur, dans les sous-sols de la Place Beauvau. Même l’Élysée pourrait être connecté, pour les besoins de sa propre sécurité.

Voire plus si affinités : Pour Hortefeux, même la vidéo d’un mariage relève de la vidéosurveillance… Dans le rapport sur l’efficacité de la vidéoprotection (voir Un rapport prouve l’inefficacité de la vidéosurveillance), le ministère de l’Intérieur avait en effet annexé une liste de 18 “faits marquants d’élucidation, grâce à la vidéoprotection“. Or, seuls 3 d’entre-eux reposaient sur des systèmes de vidéosurveillance de la voie publique, les autres ayant exploité les images de vidéosurveillance d’un bureau de tabac, d’un hôtel, de banques, supermarchés, et même la vidéo d’un film de mariage.

L’objectif n’est donc pas tant de tripler le nombre de caméras sur la voie publique, mais d’en interconnecter des dizaines, voire centaine de milliers, en considérant que toutes les caméras, dans les magasins, les banques, les administrations, partout… y compris votre propre caméra vidéo perso, participent en fait à l’effort de vidéosurveillance “vidéoprotection” du ministère de l’Intérieur.

Et bientôt, une mise à jour de la carte de France des villes sous vidéosurveillance, dont voici un premier aperçu :

Votre ville n’est pas sur la carte ? Aidez-nous à l’améliorer :
Chargement en cours…

Mise à jour : Aidez-nous à améliorer la géolocalisation des caméras de surveillance de Paris !

Illustrations: CC Leo Reynolds; extrait du rapport de présentation du plan de vidéoprotection de la ville de Paris.

Merci à Nicolas Kayser-Bril (nicolaskb), Pierre Romera (@Pirhoo) et Tom Wersinger (@tom_plays) pour leur aide précieuse dans l’élaboration de la carte.

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http://owni.fr/2011/01/05/a-paris-la-police-aura-des-yeux-tout-partout/feed/ 68