Publish. Wait. Spray. Spray again

Le 15 juin 2010

Alors que le web en temps réel croît, il convient de distinguer et différer publication et propulsion. C'est ainsi que l'on échappera à l'obsession de l'immédiateté, au grand bénéfice de la sérendipité, selon Silvae.

J’écrivais ça il y a deux ans et c’est toujours vrai : “Tenir un blog est très frustrant ! Pourquoi ?  Parce que cette forme est intrinsèquement centrée sur “le billet le plus récent”.  Les autres disparaissent dans l’abîme des archives... Il faut donc trouver des moyens de naviguer dans la longue traîne des anciens billets. Ceci est d’autant plus important que ce blog traite des bibliothèques, où certes une actualité existe, mais elle n’est pas forcément obsolète très vite… :-)

Il me semble donc essentiel de pouvoir proposer des parcours de lectures dans les divers thèmes que j’ai abordés depuis plus de deux ans. J’ai donc pris le temps de mettre des tags (ou d’indexer pour les puristes, avec une liste validée) pour l’ensemble des 750 articles de bibliobsession (voir ci-contre, le nuage)”. Une autre manière efficace de susciter des parcours est l’utilisation du plugin Linkwithin qui favorise les rebonds à la fin de chaque billet.

Sauf que les tags et les rebonds c’est utile pour une navigation lorsqu’on est déjà sur le site. Or le web d’aujourd’hui est un web des flux, un web en temps réel. Mais qu’est-ce que ce “web en temps réel” peut bien vouloir dire ?

  • Est-ce le fait d’accéder à aux mêmes informations en même temps que d’autres gens ? Non, ça c’est l’audience, le buzz, l’actualité. La fonction de mise à l’agenda propre aux médias existait bien avant le web (inventée en 1972 !). Même si les sources, les outils, les dispositifs et les acteurs changent, la logique d’un champ d’actualités par nature saturé et son corolaire, la fonction d’agenda sont toujours là.
  • Est-ce le fait de pouvoir échanger en temps réel ? Non, ça c’est le clavardage, et c’est pas nouveau. Bon c’est vrai que Twitter a apporté quelque chose de ce point de vue, mais Twitter, ce n’est pas l’ensemble du web…
  • Est-ce le fait de pouvoir d’envoyer en temps réel et en situation de mobilité des informations avec d’autres ? Peut-être, mais je ne vois pas en quoi ce temps qui serait plus réel qu’avant… tout ça ne serait-il qu’un effet de masse ?
  • Est-ce le fait que ces informations soient indexées immédiatement dans les moteurs de recherche ? Peut-être, mais alors pourquoi faire de tout ça une tendance alors qu’il ne s’agit que d’une accélération de quelques heures du passage des robots d’indexation… D’ailleurs, Google (et Bing aussi) a annoncé il y a un moment déjà qu’il indexe Twitter “en temps réel”.
  • Est-ce le fait de publier de l’information sur le web facilement et rapidement ? Non, ça existe depuis que les outils du web 2.0 existent, je vois pas ce que Twitter change par rapport au fait d’appuyer sur le bouton “publier” d’un blog…

Le web en temps réel… pas très clair comme expression ! Mon hypothèse : le “temps réel” du web indique un double sentiment :

  • l’accélération de la vitesse à laquelle s’échange l’information, notamment en situation de mobilité
  • l’accentuation de la pression exercée par le nouveau au détriment de l’ancien

C’est ce qui fait dire à Paul Virilio que nous vivons dans une tyrannie du temps réel (via Narvic) ce qui me semble inutilement catastrophiste et pessimiste (c’est le cas de le dire pour Virilio) là où les technologies sont des pharmaka, c’est à-dire à la fois le poison et le remède et où il nous faut mettre en œuvre une pharmacologie de l’attention. Il nous faut je crois proposer  des sérendipités permettant de mettre en avant des contenus pertinents, des trouvailles, des pépites avec la part de subjectivité que cela comporte, renforcer les signaux faibles que sont les contenus dérivés des fonds des bibliothèques enfermés dans le web caché ou (même combat) dans un web hors flux.

Alors d’où vient cette omniprésence de l’actualité dans les flux ? À mon avis, en grande partie du fait suivant : sur les médias sociaux on assimile trop souvent la publication et la propulsion. Propulser écrit Thierry Crouzet, c’est bien plus que diffuser :

Comment s’y prennent les propulseurs ? Ils se connectent les uns avec les autres. Ils se passent le mot de bouche à oreille. Ils se passent l’info de la main à la main. « On propulse en se connectant. On se connecte en propulsant. » Pour propulser, il faut pouvoir transmettre à des destinataires, être connectés avec eux, être un des fils qui sous-tend le Flux, une ligne de vie. Il ne suffit pas d’injecter des contenus dans le Flux et de les laisser vivre seuls. Ils auraient toutes les chances de se scléroser. Mais pour se connecter, taper sur l’épaule de quelqu’un n’a pas beaucoup d’effet. Mieux vaut lui apporter quelque chose, au moins un bonheur passager. « Tiens, lis ça. C’est absolument génial. »

Un service comme Twitterfeed incite en effet à l’assimilation entre publication et propulsion puisqu’il pousse un flux RSS dans Twitter. Il agrège au flux global des nouveaux items d’un flux RSS, en temps réel. L’analogie est parfois poussée à l’extrême au point que certains abandonnent carrément leur agrégateur au profit du filtre social qu’est Twitter. Diffusion de fils RSS et rediffusion en temps réel de veilles à partir des agrégateurs avec un outil comme ping.fm (Read it, feed it) voilà qui explique que Twitter soit considéré comme le champion du temps réel… au détriment de la longue traîne des contenus.

Pourtant, si l’on accepte de séparer publication et propulsion, la question qui se pose n’est plus seulement comment je m’organise pour publier de l’information fraîche pour la mettre dans le flux, ni même sur quels canaux je dissémine mes contenus, mais bien COMMENT et QUAND je propulse dans les flux des informations pertinentes, éventuellement déjà publiées, pour m’adresser à une audience et engager des conversations.

Mais pourquoi est-ce aussi important important de rester dans le Flux ? Thierry Crouzet écrit :

Collectivement, nos amis forment le comité de rédaction de notre média personnalisé. Par le passé, nous avions tous le même rédacteur en chef. C’est terminé. Plus personne ne lit le même journal. La diversité des propulseurs garantit la diversité des informations qui nous parviennent.

Si l’on ajoute à cela qu’en mars dernier pour la première fois sur une semaine complète Facebook a devancé Google en trafic, devenant ainsi le site web le plus visité aux États-Unis, nous sommes en quelque sorte appelés à devenir des mini-médias à fabriquer notre mise à l’agenda pour le public de nos amis (ou followers).

Il devient dès lors essentiel de désynchroniser publication et propulsion et de proposer des Re-flux, manière de réinjecter des contenus en différé sur le front du temps réel (belle idée non ?). C’est une manière de se jouer de la pression de l’actualité sur le temps réel présent.

Ok c’est bien joli mais comment faire ? Deux écoles existent pour remettre dans le flux (i.e. principalement Twitter et Facebook) d’anciens billets : de manière automatisée, ou pas. Grâce à Fabien (merci !), j’ai découvert ce plugin Wordpress : tweet old post qui permet de propulser vers Twitter un ancien billet de manière automatisée. Voilà l’interface de configuration :

Il est possible de définir l’intervalle de publication, l’âge maximum des billets remis en scène et leur catégorie. Attention, il ne faut pas abuser de ce genre d’outil… au risque de perdre la confiance de vos followers si vous proposez une fréquence trop importante. Il s’agit là d’un subtil équilibre qui vise à provoquer la sérendipité sans tomber dans un recyclage excessif. Ainsi, un tel dispositif ne peut fonctionner que sur un volume de billets importants et l’on pourrait même imaginer de consacrer une catégorie à ces billets re-publiables parce que DEliés (ou déliables) d’une actualité dominante. N’oublions pas non plus qu’il s’agit toujours de concevoir Twitter et Facebook, non pas seulement comme des canaux de diffusion, mais comme des outils interactifs. De manière générale, s’il n’y avait qu’un seul billet incontournable à citer sur les usages professionnels de Twitter, ce serait celui-ci. Loic Hay a publié un intéressant diagramme trouvé chez Useo qui indique bien les différents degrés d’engagements qui peuvent être mis en œuvre :

Si l’on considère qu’une diffusion efficace de contenus rédigés est un préalable indispensable à une stratégie d’engagement permettant de dialoguer avec des utilisateurs, alors il s’agit alors de trouver des outils permettant par exemple de programmer des tweets. Pourtant tous ces outils ne sont pas automatisés et obligent à programmer chaque tweet, ce qui est pour le moins fastidieux. Je n’en ai trouvé aucun qui permette de déterminer les meilleurs intervalles et les meilleurs moments pour pousser des billets en fonction de l’analyse de l’activité des followers donc de la probabilité qu’ils accèdent à l’information… (si vous en connaissez, je suis preneur). L’outil statistique le plus abouti que j’ai trouvé permet bien de savoir QUI vous RT le plus mais pas QUAND : il s’appelle Twoolr. Tout au plus ce logiciel, Tweetadder, permet de programmer des tweets aux heures de fréquentation du réseau. Avec Tweetoclock, vous pourrez savoir pour une personne le meilleur moment pour la contacter.

Alors que les bibliothèques investissent beaucoup de temps à rédiger des contenus sur leurs sites/blogs/univers Netvibes, si elles veulent vraiment construire des audiences et engager des conversations elles doivent travailler AUSSI sur la propulsion des contenus en différé.

Pour ma part, j’ai donc choisi d’utiliser tweet old post et d’indiquer les re-publications avec le tag : #REflux. Testé depuis plusieurs jours, la méthode est efficace et permet de pousser des billets vers le haut de la longue traîne de la consultation de mon site, tout en glanant des commentaires et des RT. Combiné à ping.fm, il est possible d’automatiser une publication simultanée sur Twitter et sur Facebook grâce à l’ajout d’un tag #fb.

Alors que la synchronisation de données les plus récentes dans les nuages est une sorte de Graal, on peut susciter la sérendipité et subvertir la forme même du blog en re-publiant d’anciens billets dans les flux communautaires. Sortir des rails de l’actualité, apporter des pépites, du recul et de la perspective en sérendipité dans le flux voilà pourquoi il me semble qu’il faut différer la propulsion de contenus dans le web du temps réel.

Billet initialement publié sur Bibliobsession ; image CC Flickr Stéfan

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