La vidéo en ligne: un accélérateur d’innovation plus puissant que l’imprimerie

Le 16 septembre 2010

Des break dancers aux biologistes, les vidéastes de Youtube participent selon Chris Anderson d'une nouvelle logique de catalyse de l'innovation par la foule qui pourrait révolutionner notre manière d'apprendre.

C’est un cercle vertueux qui s’autoalimente : une audience amène la lumière et la motivation qui appellent la foule. La logique des vidéos virales. La logique des TED Talks qui, depuis 2006, livrent en Creative Content des conférences des plus grands innovateurs et penseurs de la planète. Une logique qui, selon Chris Anderson, le créateur de TED.com, pourrait être la nouvelle logique d’une éducation massive, populaire et créative.

La « catalyse de l’innovation par la foule » / « crowd acceleration innovation »

Pour cet ancien journaliste, pas de mystère aux performances vidéos du jeune Anjelo (alias Lil Demon), break dancer de 6 ans : le temps consacré pour arriver à sa maîtrise technique, la diffusion de ses acrobaties et leur succès participent du même principe. Sous la forme d’une grande roue de fête foraine, Anderson énumère les réservoirs qui alimentent ce qu’il nomme « catalyse de l’innovation par la foule » (« crowd accelerated innovation ») : la foule, la lumière et le désir.

Sans la « lumière », visibilité nécessaire au phénomène, pas de diffusion. Sans le « désir », pas de motivation pour les heures de répétition et d’essais-erreurs nécessaires au perfectionnement. Et sans la « foule », pas de progrès, faute « d’écosystème favorable à l’innovation », où chacun assume vis-à-vis de la création et des autres son rôle de commentateur, créateur, sceptique, enthousiaste ou chasseur de tendances… Trois indicateurs qui, sur Internet, s’alimentent mutuellement : la lumière et le désir donnent accès à la foule de l’audience qui, directement (via les réseaux sociaux) ou indirectement (via les hits, liens entrants ou « vues » sur Youtube) offrent plus de lumière et de désir (de reconnaissance, de partage, etc.).

La nouvelle révolution de la transmission après Gutenberg

Un mécanisme d’amélioration qui ne fonctionne qu’en mode ouvert. « C’est en livrant ce que vous considérez comme votre plus précieux secret que des millions de gens pourront l’améliorer », s’enthousiasme Anderson, prenant exemple sur ses conférences : publiées en Creative commons, les vidéos de TED.com ont donné lieu à 300 millions de visionnages entre juin 2006 et juin 2010, des traductions en 70 langues et plusieurs milliers de vidéos estampillées TEDx, marque d’usage libre dérivée du cycle de conférence initial.

Une révolution qui, pour Anderson, concurrence rien moins que Gutenberg : précédent l’invention de l’imprimerie, colportant au bout du monde les idées et les opinions, toute l’histoire de l’Humanité s’était construite à l’aune de la discussion. La démocratisation de l’accès à Internet, l’explosion récente des limites de la bande passante et du stockage et l’effondrement du prix des caméras transforment le web en vecteur permanent de millions de discussions. Aussi bien dans leur propos que dans leur contenu non verbal : « le ton, les expressions du visage, le contact visuel, la réaction du public… Énumère Anderson. Ce sont des éléments clés de la motivation. Tout ça, sur un écran de quelques pouces de large. »

Faire de la foule de consommateur une université de contributeurs

Et ce vecteur a un potentiel d’application hors du commun, « car il montre plus que des paroles », il met en scène des « compétences ». La plate-forme de vidéos scientifiques Jove a ainsi répondu à un problème typique de la recherche contemporaine : comment répliquer une expérience décrite dans un article de revue scientifique ? « Cela prend parfois plusieurs mois, des milliards de dollars pour y arriver », assure-t-il. Là où une vidéo « montre » une manipulation cellulaire, un processus expérimental en quelques images, une poignée de mouvement et les couleurs et légendes nécessaires.

Une logique qui ouvre pour Chris Anderson un nouveau paradigme d’éducation :

Doit-on rester dans cet harassant schéma pyramidal ? Pourquoi pas un cycle pédagogique auto-entretenu où chacun peut participer ?

Un nouveau mode d’échange qui s’appuierait sur la mutation de chacun du consommateur passif au contributeur: « Qui est le prof ? Vous. »

Avec quelques caméras Flip et une connexion Internet, le bidonville de Kibera, dans la banlieue de Nairobi au Kenya, a pu monter son propre TEDx, exposer ses initiatives de vie locale et échanger l’expérience de ses talents : une école de cinéma, des initiatives pour recycler le contenu d’une décharge voisine, pour relancer la culture sur les terres souillées, monter une télévision… Une démonstration puissante du slogan de TED : « des idées qui valent la peine d’être partagées » (« Ideas worth spreading »).« Cette logique est profitable pour toutes les institutions », assure-t-il.

De sa nouvelle théorie, Anderson tire des enseignements pour sa propre initiative : le site TED.com permettra bientôt de répondre directement, en vidéo, de poster ses propres « TED talk »… Dans le simple but d’élargir la base.

Nous voulons passer d’une logique de une personne à beaucoup d’autres, à une logique du beaucoup à beaucoup. Si nous pouvons faire émerger le meilleur du meilleur d’un pool plus important, alors, la roue tourne.

Une vidéo initialement publiée sur TED.com.

Crédit photo CC Flickr WoodleyWonderWorks.

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