Jaimelinfo.com: la “love money” dans le business model des médias

Le 24 octobre 2010

Développée par l’équipe de Rue89, la nouvelle plateforme Jaimelinfo.com permet aux médias d’information, blogs compris, d’obtenir des dons de leurs “fans” pour soutenir financièrement leurs projets.

Sur Internet, mobile compris, où l’information est surabondante et partagée, synthétisée, enrichie en quelques secondes sur le réseau dès qu’elle a été publiée, dans ce monde où le lecteur est devenu acteur, il est très difficile de vendre du contenu journalistique. Par contre, il est plus facile de demander aux utilisateurs de  vous envoyer de l’argent pour vous soutenir. C’est ce que j’appelle la “love money”. Ce n’est pas un modèle économique en soi, mais une pierre d’”engagement” (terme anglo-saxon pour implication, interaction) dans la relation du média avec l’utilisateur.

C’est le constat du départ du projet “jaimelinfo.com“, une plateforme développée par l’équipe de Rue89, avec l’aide à 60% de l’État (via “l’appel à projets innovants” lancé l’an passé). Dévoilée cet après-midi à la journée de la Presse en ligne, elle permettra à tout média d’information, blogs compris, d’obtenir un soutien financier de ses “fans” pour mener à bien sa mission d’informer. L’utilisateur pourra décider de verser un don au média de son choix, don qui pourra être défiscalisé dans certains cas (si le média produit des contenus d’information générale et politique), et qui pourra être mensualisé.

Un système proche de Glixpix

Plus intéressant : le média pourra faire financer des projets précis comme un reportage, des frais pour un éventuel procès en diffamation, une nouvelle rubrique ou un projet spécifique. Dans ce cas, une jauge permet de mesurer, pour chaque projet, le niveau de dons déjà versé. Un système assez proche de la plateforme américaine Spot.Us qui permet à des journalistes de demander aux internautes de financer un reportage. Une version française, Glif Pix, est d’ailleurs en actuellement en développement. La différence ici : seuls les médias peuvent postuler (mais un blog individuel peut aussi participer), et l’argent versé ira quand même au média même si la jauge n’a pas pu être remplie. Sur Spot.Us, les utilisateurs ne cherchent pas à soutenir le journalisme, mais plutôt une cause (locale, éthique…). Ici, c’est le média et sa mission que l’on soutient.

L’outil, complexe dans son architecture, mais assez simple d’utilisation, pourra être intégré sur le site du média via un bouton, un bloc d’appel ou une frame (une “fenêtre” dans une page du site). Ou pas. Quoi qu’il en soit, chaque média aura sa propre page sur la plateforme qui lui permettra de présenter sa mission et d’un back-office où il pourra suivre l’état de ses dons.

Jaimelinfo.com propose aussi un outil de tableau de bord au donateur. Ce dernier pourra ainsi piloter ses dons et verser de l’argent à différents médias s’il le souhaite. C’est l’une des innovations les plus intéressantes du projet : se placer du côté du lecteur pour en faire un véritable acteur du business de l’info.

C’est aussi une opportunité unique donnée aux médias de construire une communauté forte d’utilisateurs impliqués, et de créer une vraie relation avec leurs utilisateurs.

Cependant, les dons anonymes sont autorisés, et le média ne pourra récupérer les données de ses donateurs que si ces derniers l’autorisent.

“Ce n’est pas LA réponse au financement des médias en ligne”, prévient Laurent Mauriac, directeur général de Rue89. “Mais c’est une brique de financement parmi d’autres”. Qui pourra être déterminante si une dynamique se crée.

Difficile d’ailleurs de savoir si la sauce prendra. La propension des internautes à donner est une réalité sur Internet, reste à savoir avec quelle récurrence. Mais la dimension ouverte du projet sera un facteur déterminant. Rue89 ne prend aucune commission sur l’argent versé. Le pure player fondé par les anciens journalistes de Libération en 2006 est le maître d’œuvre de jaimelinfo.com mais sa gestion sera confiée à une association. Pour bénéficier des services de la plateforme, il faudra être accepté par un jury indépendant constitué de médias partenaires et de personnalités.

Cependant, la plateforme ayant été développée en open source, rien n’empêchera à d’autres associations ou acteurs de développer un autre service pour permettre le financement de projets non journalistiques : blogs personnels, politiques, artistiques, mais aussi presse écrite. Où même de développer un service concurrent de jaimelinfo.com…

Billet initialement publié sur La Social NewsRoom

Image CC Flickr look.for

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