Chirac bouche cousue, une iconographie du silence…

Le 7 mars 2011

Alors que le procès de l'ancien Président de la République vient de s'ouvrir en son absence, Olivier Beuvelet analyse les photographies illustrant ce sujet sur les sites d'information français.

Motus et bouche cousue… Voici ce qui s’appelle un motif iconographique récurrent, et une formule de pathos qui vaut de grands discours… malheureusement pour la justice et l’édification des foules ! Aujourd’hui, sur la plupart des sites de presse en ligne, Chirac revient, les yeux grands ouverts et la bouche irrémédiablement scellée… Rictus de douleur dont l’expressivité émeut et signe visuel de l’étouffement des secrets de la République qu’il retient dans un silence bien exprimé, bien énoncé visuellement…

À l’exception du Figaro.fr qui le montre sous un jour neutre et presque rajeuni (voir à la fin) et de Slate.fr qui trouve une autre façon de figurer le silence, tous les journaux français exhibent un Chirac aux lèvres bien serrées, décidé à garder son mystère et à ne rien dire de ce qui apparaît clairement comme un système de financement mafieux et un train de vie politique assez éloigné de l’éthique démocratique du service de l’État…

L’omerta de la classe politique

Et pourtant, sur le visage douloureux de ce vieil homme condamné à se taire, apparaît tout le tragique existentiel d’une vie politique fondée sur l’instrumentalisation perverse de la parole, et sur une aptitude exceptionnelle au mensonge… En manifestant son silence de manière si ostensible, l’ancien bonimenteur accède presque à une sagesse aimable, il induit une empathie que nous avons tous, naturellement, pour les vieux sages qui savent se taire, et qui regardent, l’œil pensif, la vie poursuivre son chemin, de plus en plus loin d’eux… Mais c’est aussi l’image de l’omerta qui règne encore dans la classe politique française où le conflit d’intérêt et le goût du luxe finissent par avoir raison de tout, ou presque.

Peu importe ici l’origine exacte de ce rictus qui affecte les portraits de l’ancien président dans la presse, depuis quelques mois, au fur et à mesure que s’approche l’heure, tant attendue par certains, de le voir répondre des facilités de trésorerie qu’il se serait accordé durant des années, aux frais de l’État qu’il devait servir ou d’entreprises qui le servaient, lui qui se revendiquait l’héritier spirituel d’un homme, le général De Gaulle, qui réglait, paraît-il, lui-même ses notes d’électricité à l’Élysée. Est-ce un rictus simplement dû à des ennuis de santé ? Est-ce une expression claire de son intention : « Je ne dirais rien , je ne reconnaîtrai rien. » ? Est-ce un simple  jeu des journalistes qui s’acharnent sur son rictus sénile ? Est-ce une grimace de déception faite à la justice d’un pays qu’il a eu à ses pieds un certain 21 avril ? Chacune de ces images nous le répète, il ne dira rien, l’expression humaine devient un motif politique, il ne dira rien, quitte à devenir, dans les médias, une sorte de gargouille nationale, il ne dira rien, la presse est unanime, tout a déjà été non-dit…

Et ce sont ici les images qui ont la parole…

Le Point.fr, samedi 5 mars 2011.

20minutes.fr, samedi 5 mars 2011.

leParisien.fr, samedi 5 mars 2011.

LExpress.fr, samedi 5 mars 2011.

Slate.fr, samedi 5 mars 2011.

Nouvelobs.com, samedi 5 mars 2011

Le Monde.fr, samedi 5 mars 2011.

Liberation.fr, samedi 5 mars 2011.

Le Figaro.fr, samedi 5 mars 2011.

Billet initialement publié sur Parergon, un blog de Culture visuelle

Image CC Flickr kugel

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